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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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aux offices, s’assoupissait au-dessus de
son écuelle pendant le souper et radotait le plus clair du temps, demandant des
nouvelles de leur bonne mère Éleusie de Beaufort au prétexte qu’elle ne l’avait
pas croisée de la journée. Des novices se relayaient pour lui porter le jour
durant force tisanes que préparait Elisaba. Il fallait maintenant toute la
persuasion de Thibaude de Gartempe et de Berthe de Marchiennes pour contraindre
Blanche à quitter son chauffoir au soir venu.
    Certes, embêtée. Annelette songeait
qu’elle avait manqué de charité et de compassion. Et puis, toutes ces pauvres
mortes que l’abbaye avait récemment enterrées pesaient sur sa conscience,
puisqu’elle s’en voulait de ne pas avoir fait l’effort de les connaître mieux.
    Annelette Beaupré passa la tête par
l’embrasure de la porte du chauffoir. Blanche ouvrit les yeux pour les refermer
aussitôt. Une réaction de rêve, sans doute, comme en témoignait le ronflement
régulier qui montait de sa poitrine. Annelette appela doucement afin de ne pas
affoler la dormeuse :
    — Blanche, ma bonne Blanche. Je
nous ai apporté de cuisine deux gobelets de mauve. Voilà qui devrait nous
réchauffer agréablement. J’ai poussé le coude d’Elisaba Ferron lorsqu’elle
ajoutait du miel au vôtre, car je sais combien vous en aimez le goût. Blanche,
m’entendez-vous ? insista-t-elle plus fort.
    La vieille dame sursauta et parut
émerger d’un coma. Elle papillonna des paupières, puis sembla remettre
l’apothicaire :
    — Ah… Annelette, ma chère
Annelette. Comme il est bon à vous de me passer voir. Mais assoyez-vous, je
vous en prie. Attendez, je me redresse un peu afin de vous faire place. Donnez…
je vais poser ces gobelets bien chauds, afin que vous ne vous brûliez pas.
    La vieille dame les déposa avec
précaution à côté de ceux qu’elle avait déjà vidés au cours de sa journée de
somnolence. Ses gestes étaient lents, peu assurés et l’apothicaire se demanda
si une des tasses de grès n’allait pas choir et se fracasser au sol. Cependant,
proposer son aide à Blanche eut été discourtois. Après tout, tous les êtres
vieillissent et n’aiment point qu’on le leur rappelle.
    Maintenant qu’elle était là,
Annelette ne savait plus quel sujet aborder avec cette femme qu’au fond elle
n’avait jamais appréciée. Elle lança :
    — C’est grand soulagement,
n’est-ce pas, que cette lecture des Évangiles ?
    — Oh certes, certes, acquiesça
Blanche. On y trouve tant de nouvelles merveilles à chaque lecture.
    — Si fait.
    Parvenue au terme de sa seule idée
de conversation, Annelette soupira en souriant :
    — Et si nous dégustions ces
bonnes infusions avant qu’elles ne soient refroidies ?
    — Volontiers.
    Annelette fit mine de se lever mais
Blanche la repoussa d’un geste ferme en s’excusant :
    — Que nenni, ma bien chère. Il
me faut bouger. Mes vieilles jambes s’engourdissent. Permettez-moi.
    D’une main tremblotante, Blanche de
Blinot lui tendit un gobelet. Annelette trempa ses lèvres et réprima une
grimace d’écœurement. Le breuvage était terriblement mielleux et complètement
froid. La doyenne avait dû se tromper et lui offrir le sien. Le signaler eut
été indélicat. Tant pis, elle boirait la coupe jusqu’à la lie, ou presque.
    Annelette devait ensuite
s’interroger à vie sur le fonctionnement des sens en relation avec
l’entendement.
    Elle regardait depuis quelques
minuscules instants la frêle vapeur qui s’élevait de l’infusion que Blanche
avalait à grand bruit. Ce n’est que lorsqu’elle trempa à nouveau ses lèvres
dans son breuvage presque glacé que ses sens alertèrent son esprit. Elle leva
les yeux. L’impitoyable regard qui la scrutait n’appartenait pas à une
débonnaire vieillarde, mais à l’acolyte de Jeanne.
    Annelette se leva d’un bond. L’autre
fut sur elle en un rapide et sidérant mouvement et la bascula au sol de sa
lourde masse. Faisant preuve d’une souplesse peu commune à son âge, Blanche
bloqua avec férocité la gorge et la poitrine d’Annelette de son genou et la
bâillonna de sa grande main épaisse. L’apothicaire comprit. Ce n’était pas
Jeanne d’Amblin qui avait maintenu Yolande de Fleury plaquée dans son lit
durant sa douloureuse agonie, mais Blanche de Blinot. C’était également Blanche
qui avait volontairement porté la décoction empoisonnée à Adélaïde Condeau,
pour prétendre ensuite
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