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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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qu’elle en avait été la victime désignée. Quel plus
judicieux moyen d’écarter les soupçons d’elle ? Pourquoi Adélaïde ?
La petite sœur organisatrice des repas avait-elle lié la commande de pain de
seigle faite par Jeanne à la mort de l’émissaire du pape ? Sans doute.
Blanche était aussi criminelle que l’autre.
    En dépit de l’étouffement qui la
gagnait, la fureur décupla les forces d’Annelette, qui planta ses ongles dans
le visage tordu de haine, griffant, lacérant, arrachant tout ce qu’elle
pouvait. L’étreinte meurtrière se desserra. L’apothicaire rua, heurtant
violemment elle ne savait trop quoi de son ennemie. Elle parvint à se redresser
et fonça vers la porte. Blanche, gênée par ses douleurs d’articulations, dut
bagarrer pour se remettre à son tour debout. Elle hurlait comme une
possédée :
    — Je vous hais… toutes !
Crève, gueuse, crève ! Pauvres folles que vous êtes ! Êtes-vous trop
obtuses pour comprendre à quel point vos chimères de pureté sont
dangereuses ! Le monde est ce qu’il doit être.
    En dépit des tremblements qui
l’agitaient, Annelette parvint à extraire la clef de la porte et verrouilla le
chauffoir de l’extérieur. Blanche tapait à coups de pied et de poing contre
l’épais battant, éructant, insultant de plus belle.
    Annelette reprit assez de son
souffle et de sa maîtrise pour vociférer à son tour :
    — Vous ne nous arrêterez
jamais, démons que vous êtes ! Vous pouvez nous exterminer. D’autres
prendront notre place. Quant à vous, assassine, le seigneur grand bailli vous
viendra cueillir bientôt. Vous n’échapperez pas à votre jugement et la sentence
sera terrible.
    Elle se trompait. Lorsque Monge de
Brineux arriva escorté de ses gens d’armes au petit matin suivant, Blanche
avait trépassé. Sa langue bleuie et gonflée sortait de sa bouche. Ses yeux
révulsés fixaient d’un regard mort l’armoire aux cornes d’écriture.
    Ils découvrirent, dans certaines de
celles que l’on y remisait une fois inutilisables, des fonds de poudre d’odeurs
et de couleurs variées. Annelette parvint à identifier les plus singulières
d’entre elles. Des toxiques achetés à l’extérieur ou dérobés dans son armoire
de l’herbarium. Blanche ne somnolait pas dans le chauffoir. Elle s’était
instituée gardienne de la riche collection d’enherbeuse réunie par Jeanne ainsi
que des manuscrits.
     

ÉPILOGUE
    Quatre jours après la découverte
faramineuse de Leone et Clément, flanqués d’Annelette Beaupré, dans la
bibliothèque secrète de l’abbaye des Clairets, Agnès s’inquiéta au soir échu de
l’absence de sa Clémence qu’elle avait trouvée si changée, lointaine depuis son
retour d’aventure. Elle monta avec prudence la frêle échelle qui conduisait vers
les combles. Dès qu’elle se rétablit sur le plancher, elle sut qu’un terrible
fléau s’apprêtait à fondre sur elle. Les vêtements de Clémence avaient disparu.
Agnès découvrit, nettement disposée sur sa paillasse, une courte missive.
     
    Madame, ma chère mère adorée,
    Il me faut peser chaque mot puisque
j’ai décidé que cette lettre serait brève tant j’étais poussée à noircir les
pages d’un épais volume de l’expression de mon amour pour vous et de sa
persistance, à jamais. J’ai compris il y a quatre jours, devant ce papyrus, la
force du vôtre, et cette certitude est la seule chose que je souhaite emporter.
    Peut-on lutter contre son
destin ? Je l’ignore, mais j’entends le tenter, grâce à la bravoure qui me
vient en héritage de vous.
    Ah madame… si vous saviez. Mon rêve
ne dura que quelques ridicules secondes, là-bas, lorsque je compris que j’étais
votre fille, et à quel point vous m’aimiez. Je n’ai alors vu qu’une chose. Je
nous ai vues nous promenant au soleil couchant, dans le magnifique parc du
château d’Authon. Vous passâtes votre bras autour de mon cou, et j’enserrai
votre taille du mien. Nous rîmes tant lorsque vous vous trompâtes
systématiquement dans le nom des fleurs que nous contemplâmes. Ah, madame…
quelle plénitude ! Si brève, mais la plénitude peut-elle s’attarder ?
Quelques fugaces instants, juste avant de décider que j’échapperais au
chevalier de Leone et aux siens, à leur absolue foi et à leur pur amour. Juste
avant que je décide de me défendre seule contre mes ennemis. Le rêve a volé en
éclats. Il me faut partir.
    Sachez, madame, que
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