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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand
Autoren: Valerio Manfredi
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dans la gueule du loup, il m’est impossible de t’en dissuader. Mais il
n’y a qu’une manière de parvenir au succès. Je te conseillerais donc de la
suivre.
    — Laquelle ?
    — Il y a en Grèce une force
placée au-dessus de tous, une voix capable, à elle seule, d’imposer le silence…
    — Le sanctuaire d’Apollon à
Delphes, dit le roi.
    — Ou mieux, ses prêtres et le
conseil qui les gouverne.
    — Je le sais, reconnut
Philippe. En contrôlant le sanctuaire, on contrôle la majeure partie de la
politique grecque. Actuellement, le conseil est en difficulté : il a
déclaré une guerre sacrée contre les Phocéens, qu’il accuse d’avoir cultivé des
terrains appartenant à Apollon ; mais les Phocéens se sont approprié le
trésor du temple par un coup de main et, grâce à ces richesses, ont engagé des
milliers et des milliers de mercenaires. La Macédoine est la seule puissance en
mesure de peser sur l’issue du conflit…
    — Et tu as décidé d’entrer en
guerre, conclut Parménion.
    — À une condition : si je
gagne, je veux la place et la voix des Phocéens au conseil, ainsi que la
présidence du conseil du sanctuaire. »
    Antipatros et Parménion comprirent
que non seulement le roi avait un plan, mais qu’il le réaliserait coûte que
coûte. Ils n’essayèrent donc pas de l’en dissuader.
    Ce fut un conflit long et dur,
ponctué de défaites et de victoires. Alexandre avait trois ans quand Philippe
fut durement vaincu pour la première fois, et forcé de battre en retraite. Ses
ennemis prétendirent qu’il avait fui, mais il répondit : « Je ne me
suis pas enfui, j’ai reculé pour prendre mon élan et foncer de nouveau comme un
bélier enragé. »
    Tel était Philippe. Un homme doté
d’une force d’âme et d’une détermination incroyables, d’une vitalité
indomptable, d’un esprit fin et ardent. Mais de tels hommes s’isolent
inexorablement car ils sont amenés à se détacher de ceux qui les entourent.
    Lorsque Alexandre commença à
appréhender la situation et à comprendre qui étaient son père et sa mère, il
était âgé d’environ six ans. Il parlait sans hésitations, saisissait le sens
des discours les plus complexes et les plus difficiles.
    S’il venait à savoir que son père se
trouvait au palais, il quittait les appartements de la reine et se rendait à la
salle des réunions, où Philippe tenait conseil avec ses généraux. Marqués par
d’interminables combats, ces hommes lui semblaient vieux. Pourtant, ils avaient
à peine dépassé la trentaine, à l’exception de Parménion, qui était âgé de près
de cinquante ans et avait les cheveux gris. Dès qu’Alexandre le voyait, il se
mettait à chanter une comptine qu’Artémisia lui avait apprise :
    Le vieux soldat qui part en
guerre, tombe par terre, tombe par terre !
    Puis il se jetait sur le sol parmi
les rires de l’assistance.
    La plupart du temps, il observait
son père, étudiait ses attitudes, sa façon de bouger les mains et de dévisager
ses officiers, le ton et le timbre de sa voix, la manière dont il dominait les
hommes les plus forts et les plus puissants du royaume par la seule force de
son regard.
    Lorsque son père présidait le
conseil, il s’approchait de lui tout doucement et tentait de monter sur ses
genoux à la faveur de ses conversations ou de ses discours enflammés, croyant
ainsi passer inaperçu.
    Alors seulement, le roi paraissait
noter sa présence. Sans même s’interrompre, sans perdre le fil de son discours,
il le serrait vivement sur sa poitrine ; mais il remarquait que le
comportement de ses généraux changeait, il voyait leurs yeux se poser sur
l’enfant et leurs lèvres s’étirer en un sourire léger, quel que fût le sujet
dont il parlait. Parménion aussi souriait en pensant à la comptine et à la
culbute d’Alexandre.
    Puis l’enfant partait comme il était
venu. Il gagnait parfois sa chambre en espérant que son père l’y rejoindrait.
Ou bien, après une longue attente, il allait s’asseoir à l’un des balcons du
palais, fixait l’horizon du regard et restait là, muet et immobile, fasciné par
l’immensité du ciel et de la terre.
    Et quand sa mère s’approchait alors
d’un pas léger, elle voyait une lueur sombre s’étendre lentement dans son œil
gauche, comme si une nuit mystérieuse tombait dans l’âme du petit prince.
    Les armes le captivaient, et plus
d’une fois les servantes le surprirent dans l’armurerie
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