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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand
Autoren: Valerio Manfredi
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conscient de la stupeur qu’il suscitait parmi la population,
qui assistait, bouche bée, à une manifestation de puissance aussi imposante, à
un événement aussi hyperbolique. Soudain, tandis que son regard se posait sur
le sommet de la tour, qui commençait à s’effondrer dans un crépitement
sinistre, il se revit, enfant, dans la cour du palais royal de Pella, en train
d’échanger un gage d’amitié éternelle avec un garçon de son âge récemment
arrivé. « Jusqu’à la mort ? », lui avait demandé alors
Héphestion. « Jusqu’à la mort », avait-il répondu.
    Il porta aussitôt la main à son
pendentif – une dent de lait enchâssée dans de l’or. Il arracha la chaînette et
le jeta dans l’ouragan de feu afin qu’il s’y dissolve. Alors il fut envahi par
une immense mélancolie, par un profond chagrin. Le premier d’entre eux, le
premier et le plus cher des sept amis, liés par la même promesse et unis par le
même rêve, s’en allait à jamais. La mort l’avait emporté et ses cendres étaient
dispersées par le vent.
    Le printemps prenait fin et
Alexandre retourna à ses projets et à ses rêves de domination universelle,
tandis que le ventre de Roxane grossissait. Il fit construire sur les rives de
l’Euphrate un gigantesque bassin, capable d’abriter plus de cinq cents
vaisseaux, et il projeta avec Néarque la création d’une nouvelle flotte, qui
explorerait l’Arabie et les côtes du golfe persique. Les Phéniciens
transportèrent quarante navires en pièces jusqu’au gué de Thapsaque, en haute
Syrie, puis les assemblèrent et les mirent à l’eau. Ils descendirent le fleuve
jusqu’à la capitale avec des équipages de Sidon, d’Arad et de Byblos, prêts à
se lancer dans l’aventure jusqu’aux lointaines et mystérieuses régions de
l’Arabie. En deux mois, une flotte de deux quinquérèmes, deux quadrirèmes,
vingt trières et trente pentécontères fut transportée de la Méditerranée à
l’Océan méridional : rien ne semblait impossible au jeune et invincible
souverain.
    Des délégations confluèrent de
toutes parts : de la Libye et de l’Italie, de l’Ibérie et du Pont, de
l’Arménie et de l’Inde, afin de lui rendre hommage, de lui offrir des présents
et de lui demander son alliance. Il les accueillit dans son palais grandiose,
parmi les merveilles de Babylone, qui se préparait à devenir la capitale de
l’écoumène.
    Un jour, au début de l’été, pendant
une crue de l’Euphrate, Alexandre décida de descendre le fleuve et de s’engager
dans le Pallacopas, un canal qui écoulait le trop-plein d’eau afin que les
cultures ne fussent pas inondées.
    Il se tenait au timon, aux côtés de
Néarque, et contemplait d’un œil émerveillé les vastes lagunes qui s’ouvraient
ici et là, le long du canal, où l’on pouvait apercevoir les tombes des anciens
rois chaldéens, à moitié immergées. Soudain, un coup de vent emporta le chapeau
à larges bords, ceint d’un ruban d’or – symbole de la royauté –, au moyen
duquel il se protégeait du soleil.
    Le chapeau s’enfonça, mais le ruban
resta accroché à une touffe d’osiers.
    Un marin plongea aussitôt et parvint
à l’attraper. Craignant de l’abîmer en le serrant dans son poing, il le mit
autour de son front. Quand il rejoignit le bateau et fut hissé à bord, tout le
monde fut frappé par cet événement funeste, par ce présage de malheur. Les
mages chaldéens qui suivaient le roi lui suggérèrent de récompenser le marin
pour son acte de courage, puis de l’exécuter pour punir son geste sacrilège, et
conjurer ainsi le mauvais sort.
    Le roi leur répondit qu’il suffirait
de le fouetter, et il posa de nouveau son diadème sur sa tête.
    Néarque tenta ensuite de le
distraire en lui parlant de la grande expédition vers l’Arabie, mais il vit une
ombre obscurcir son regard, cette ombre même qui avait assombri ses yeux au
moment où Calanos avait été brûlé vif.
    Quelques jours plus tard, le roi
assista aux évolutions de sa cavalerie hors les murs de la ville. À un moment
donné, il quitta son trône pour s’entretenir avec ses commandants. Tandis que
les membres de l’assistance observaient les manœuvres des escadrons, un inconnu
se faufila parmi les chambellans et s’assit à la place d’Alexandre en riant
bruyamment. Les gardes perses le tuèrent sur-le-champ, mais les prêtres
chaldéens se frappèrent la poitrine et se griffèrent le visage en signe
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