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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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ressemble plus à un nouveau-né qu'un autre nouveau-né ? Surtout quand ils ont le même père ? On lui a caché ses origines, on en a fait un Chrétien, au point qu'il a ensuite été appelé Robert le Pieux ! (Elle cracha sur le sol.) On lui a même appris que les pouvoirs qu'il tenait de moi venaient de votre Dieu ridicule ! Tu comprends, maintenant ? Réponds !
    Ce ne fut pas à proprement parler une réponse. Ce fut un cri. Durant toute la dernière portion du récit, Philippe avait senti monter en lui la colère, plus puissante que le froid et la peur.
    — Mensonge ! hurla-t-il. Tout cela n'est que mensonge !
    — Ah, oui ? répliqua Lysamour sur le même ton. Et ces marques, sur ta gorge, d'où crois-tu qu'elles viennent ? Mon fils avait les mêmes. Il n'aurait pu respirer dans l'eau, lui non plus, encore moins s'y fondre, le sang de son père avait annihilé cela, mais la trace des ouïes était là ! Mensonges ? Alors que, depuis Robert, les rois de France guérissent les malades. Lui a même rendu la vue à un aveugle, un jour. Tu en serais incapable, cela dit : en toi, mon héritage est trop dilué ; mais il te reste les fièvres bénignes, les écrouelles…
    — C'est l'onction ! balbutia le garçon. L'huile de la sainte ampoule qui…
    Elle éclata de rire à nouveau, un rire sans joie, effrayant.
    — Le voilà, le mensonge ! L'onction, vraiment ? Alors dis-moi : Clovis a-t-il jamais guéri qui que ce soit ? Et l'empereur Charlemagne ? Et tous les autres, avant Robert ? Ta sainte ampoule, ce sont les évêques qui l'ont fabriquée pour asseoir la puissance des premiers rois. Elle n'a pas le moindre pouvoir.
    — Ce n'est pas vrai, insista Philippe, les larmes aux yeux. Ce n'est pas vrai !
    Mais tout au fond de lui, il savait que ça l'était. Il lui semblait l'avoir compris dès qu'il avait vu les ouïes de sa compagne. C'était pour cela qu'il pleurait.
    — Et s'il te faut une preuve supplémentaire, réponds à une question, petit prince, reprit Lysamour, un peu plus calme. Sur le sceau de quel roi la fleur de lys est-elle apparue pour la première fois ? Réfléchis bien. Les moines qui te servent de précepteurs ont bien dû te l'enseigner.
    Les larmes inondaient à présent les joues du garçon. Il n'avait nul besoin de réfléchir : la fleur de lys avait figuré pour la première fois au dos du sceau de Robert le Pieux…
    — C'est Hugues qui a dû lui souffler cette idée, continua la créature qui était sa lointaine aïeule, sans attendre de réponse. Je n'ai jamais su s'il s'agissait d'un hommage à retardement – des excuses, en quelque sorte – ou d'une raillerie supplémentaire. Connaissant son esprit retors, je tiens pour la raillerie, mais même s'il en était autrement, cela ne changerait rien. Le duc des Francs me devait un fils ; c'est au roi des Français que je présente la créance.
    La fureur déserta son visage tandis qu'elle se rasseyait sur le lit. Sa main recommença à errer sur le torse de Philippe qui, instinctivement, ferma les yeux et se remit à prier. Non que Lysamour retournât aux Enfers, cette fois – il était convaincu de sa nature terrestre –, mais que le sol s'ouvrît sous lui pour l'engloutir, que la mort vînt le prendre sur-le-champ, lui épargner l'humiliation.
    — J'ai attendu, petit prince, j'ai attendu longtemps l'heure de ma vengeance. Je voulais qu'elle ait lieu ici même, où j'ai subi l'outrage. À Paris, je n'aurais jamais pu m'introduire dans l'intimité du roi. Il fallait que ce soit lui qui vienne à moi. (Elle soupira.) En ai-je vu passer, des porteurs de couronne ! Henri, Philippe, Louis… Tous, ils sont venus chasser dans ces bois quand ils occupaient leur résidence de Compiègne, et chaque fois, mes frères et sœurs de la forêt m'ont prévenue. Chaque fois, j'ai été déçue. Je gardais un trop cuisant souvenir de certain coup d'épée pour affronter une troupe armée, et aucun de tes aïeux n'a montré assez de fougue pour s'écarter de ses compagnons comme toi aujourd'hui. Il est presque dommage que tu doives mourir : tu serais sans doute devenu le plus glorieux de tous. (Sa voix, un instant attendrie, se durcit à nouveau.) Mais foin de tout cela : tu es exactement celui que j'attendais ; héritier du trône et déjà nubile. Grâce à toi, je puis me venger doublement. Le roi m'a pris mon fils, je lui prends le sien ; il s'est servi de moi pour assurer sa lignée, je me sers de toi
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