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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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foi chancelante au point de croire que Dieu le laisserait sans héritier si sa cause était juste ? Comment avait-il pu choisir pareille mère à son successeur ? Un être inique, une prostituée n'hésitant pas à commettre l'inceste et se préparant à assassiner froidement un innocent. Un être sans âme.
    Car telle était bien la question fondamentale qui, en lui apparaissant, l'empêchait d'appeler à nouveau le trépas : l'enfant de semblable créature pouvait-il avoir une âme, même si son autre parent en possédait une ? Lui-même, Philippe, en avait-il une ?
    Hier encore, mourir lui paraissait une épreuve sans conteste désagréable mais nullement une catastrophe, puisque ce n'était qu'un passage. Aujourd'hui… l'idée de n'être qu'un petit tas d'argile dépourvu de l'étincelle divine, tout juste un animal qui, au dernier jour, se verrait refuser la consolation de la vie éternelle, le terrifiait.
    Une autre possibilité, de surcroît, lui rongeait le cœur : celle d'avoir bel et bien une âme mais une âme damnée. Lysamour n'était pas un démon, elle l'avait démontré, mais les hommes, pour n'être pas des anges, n'en étaient pas moins créatures de Dieu. Elle, en dépit de ses dires, et peut-être à son insu, n'était-elle pas créature du Diable ?
    Dieu, Diable, Enfer, Paradis… Tous ces mots et d'autres encore se bousculaient dans l'esprit de Philippe, perdant peu à peu leur sens, se fondant en un irrésistible tourbillon. Il avait toujours aussi froid mais, désormais, brûlait également d'un feu si violent qu'il lui semblait parfois suffoquer. Lorsqu'il tenta d'implorer la clémence du Seigneur, un simple pater se révéla au-dessus de ses forces. Les paroles latines se mélangeaient dans sa tête, paroles que ses lèvres tremblantes eussent au demeurant refusé d'articuler.
    La lampe s'éteignit.
    Le garçon comprit qu'il avait la fièvre. Il titubait au bord de l'inconscience à l'instar d'un ivrogne au bord d'un ravin. Fragile destinée que celle d'un être humain : lui dont la voie avait paru toute tracée, lui qui s'était arrêté à Compiègne sur le chemin de Reims, où il devait être associé au trône de son père, voilà qu'il n'avait plus d'avenir.
    Résister, songea-t-il. Résister à tout prix, Endormi, non seulement il ne verrait pas arriver Lysamour mais il ne l'entendrait pas non plus. S'il s'éveillait chevauché par cette furie, il sentait que sa raison n'y résisterait pas. Non, il ne voulait pas s'endormir.
    Et s'endormit pourtant.
    Combien de temps demeura-t-il sans connaissance, en proie à un sommeil agité, semé de cauchemars et de moments de délire ? Il ne devait l'apprendre que bien plus tard, quand on lui dirait qu'il avait erré dans la forêt pendant deux jours et une nuit. Pour l'heure, lorsqu'il rouvrit les yeux il lui sembla ne les avoir fermés qu'un instant.
    L'impression qu'il avait de sortir enfin d'un mauvais rêve fut battue en brèche par la vision de Lysamour, debout auprès du lit, son corps blanc et élancé parsemé d'un millier de gouttes prouvant qu'elle sortait de l'eau. Elle tenait d'une main une fiole d'huile, de l'autre la chandelle à la flamme de laquelle elle venait de rallumer la lampe.
    Philippe, trempé de sueur et grelottant, la tête prise dans des mâchoires d'acier, ne la distinguait qu'à travers une sorte de voile grisâtre, mais la terreur n'en revint pas moins s'emparer de lui, intacte.
    — Parfait, parfait, je constate que nous sommes réveillé, déclara la maîtresse des lieux, mielleuse. J'espère que nous sommes revenu à de meilleures dispositions. (Ayant déposé la chandelle sur le sol, après l'avoir soufflée, elle s'assit au bord de la couche.) Tu as faim ?
    Le garçon brûlait de fièvre. L'estomac noué, il se sentait incapable d'avaler la moindre bouchée. En revanche, sa gorge râpeuse, ses lèvres parcheminées réclamaient de l'eau, mais il n'eut pas la force d'exprimer ce souhait.
    — Non ? Tant mieux, parce qu'il n'y a rien à manger pour toi. À moins, bien sûr, que tu ne sois disposé à m'honorer dignement… Nous allons voir.
    Alors que sa compagne se penchait au-dessus de lui et qu'il se résignait à subir ses attouchements détestables, une voix impérieuse s'éleva à l'entrée de la chambre.
    — Il suffit, femme ! Écarte-toi ! Celui-là est sous ma protection.
    Lysamour se retourna d'un bloc, comme fouaillée par une lanière de cuir. La grimace de colère qui déformait ses
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