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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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d'autre choix, il empoigna le cor pendu à sa ceinture et le porta à ses lèvres. Une note puissante résonna longuement sous la voûte végétale, avant de s'évanouir dans le silence. Philippe souffla encore à trois reprises, lançant des plaintes de plus en plus longues de plus en plus fortes – qui restèrent sans réponse.
    Comment était-ce possible ? Il n'avait pas pu s'éloigner à ce point. Certes, il disposait d'une monture rapide et n'avait pas ménagé sa peine, mais les veneurs, à défaut de le rattraper, auraient au moins dû suivre sa piste, les chiens celle du sanglier, et donc se trouver à portée de trompe. Un soupçon de colère revint l'habiter : le roi serait mis au fait de cette incompétence.
    En attendant, la perspective de passer la nuit en ces lieux, si elle ne l'enthousiasmait guère, ne l'effrayait pas non plus. Il se sentait de taille, malgré ou de par sa jeunesse, à affronter tous les périls. Grand et vigoureux pour son âge, il maniait lance et épée tel le guerrier qu'il lui faudrait devenir : le maréchal Robert Clément pouvait s'enorgueillir de son élève. Lequel ne disposait pour le moment que d'un poignard de chasse, son épieu étant demeuré sur sa monture, mais ne doutait pas que cela lui suffît à repousser une meute de loups affamés.
    Après avoir tiré encore deux appels de sa trompe, par acquit de conscience, il se décida à chercher du bois mort. Il allait bâtir un feu tant qu'il y voyait encore, afin d'éloigner le froid et les bêtes sauvages, puis dormir paisiblement. Au matin, même s'il devait pour cela grimper en haut d'un arbre, le soleil lui indiquerait la direction du château. Son père et ceux qui l'aimaient – ou qui avaient besoin de lui – se rongeraient les sangs toute la nuit, mais ils en seraient quittes pour la peur.
    Alors qu'il se penchait vers une branche brisée, au pied d'un hêtre, il entendit le premier gémissement.
    Un son aigu mais non dénué de profondeur, qui monta sur sa gauche le temps d'un battement de cœur. Philippe suspendit son geste et releva la tête. Il eut beau se crever les yeux pour percer la pénombre de plus en plus épaisse du sous-bois, rien de particulier ne lui apparut. Tout juste fut-ce s'il entendit le craquement d'une branche, puis un léger frémissement dans les fourrés. Quelque rongeur, sans doute.
    Alors même que cette conclusion s'imposait à lui, il la sut erronée. Cela n'avait pas sonné comme un cri d'animal. On eût dit un pleur d'enfant ou de jouvencelle. Pourtant, qu'un autre être humain se trouvât en ces lieux à la tombée de la nuit paraissait si improbable que le garçon chassa cette idée d'un haussement d'épaules.
    Jusqu'à ce que le gémissement revînt.
    Un peu plus long, cette fois, quoique pas plus fort. Un pleur, oui, ou la première note d'un chant mélancolique mort-né. Philippe se redressa, plus intrigué qu'inquiet, guettant le froufroutement qui devait suivre. Il n'y en eut pas. À la place, l'étrange lamentation se répéta, identique – et assurément, elle ne sortait pas d'un gosier animal.
    Un enfant perdu, lui aussi, et dont il venait de déranger le sommeil ? Était-ce si incroyable ? Après tout, il se trouvait peut-être plus près d'un village qu'il ne l'imaginait, ou d'une habitation de bûcheron.
    Poussé mi par la curiosité mi par la compassion, il gagna les buissons d'où s'échappaient les appels. Lorsqu'il les atteignit, le gémissement s'éleva une dernière fois, prolongé, et s'acheva sur un hoquet. Il y eut un bruit de feuilles froissées, de branches agitées, puis le silence retomba, sauf pour le cri lancinant d'un oiseau du soir.
    — Qui est là ? interrogea Philippe, autoritaire.
    Frustré par l'absence de réponse, il écarta de ses mains gantées des tiges épineuses flexibles afin d'explorer le fourré du regard. Quelques bruits légers dénoncèrent la fuite de petits animaux, mais rien ne bougea : malgré l'obscurité qui lui masquait les profondeurs des broussailles, il eût juré que nul ne se cachait là.
    Cette impression se confirma lorsque la plainte retentit à nouveau – non loin de l'endroit où il se tenait la première fois.
    Il se figea, interloqué, un peu irrité. Se moquait-on de lui ? Un instant, il eut la certitude que c'était Renaud qui, sous le couvert du crépuscule et des arbustes enchevêtrés, s'amusait ainsi à ses dépens. Mais si son ami l'avait rejoint, il en eût entendu le cheval. En outre,
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