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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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était au-dessus de ses forces.
    Eût-il continué à regarder qu'il se fût choqué de voir Lysamour, tout en lui prodiguant ses caresses, glisser l'autre main entre ses propres cuisses afin d'atteindre une excitation que ne lui apportaient pas ces jeux avec un jeune garçon. Plus que tout, il se fût horrifié de remarquer, au fur et à mesure que venait cette excitation, de quelle manière les yeux de sa compagne se métamorphosaient. Devenaient bleus tout entiers, d'un bleu de plus en plus marqué, comme si la couleur des iris s'était propagée dans les globes oculaires.
    Brusquement, elle le chevaucha à nouveau. Alors qu'elle s'empalait sur lui et qu'il sentait monter le plaisir du plus profond de son être, Philippe voulut encore promener les mains sur cette peau au grain délicat. Comme il les levait, on lui saisit fermement les poignets pour les plaquer sur le lit, de chaque côté de sa tête. Surpris, il rouvrit les paupières.
    Ce qu'il découvrit lui inspira une terreur aussi soudaine que monumentale.
    Il y avait les yeux entièrement bleus, bien sûr, au sein desquels la pupille même n'était plus visible et qui, conférant à Lysamour un regard fixe de statue, suffisaient à dénoncer sa nature inhumaine. Mais surtout, il y avait les deux fentes jumelles sur sa gorge, jusqu'alors masquées par sa chevelure. Rougeâtres, palpitantes, elles s'ouvraient juste en dessous des oreilles, à l'endroit exact où lui-même portait ses taches de naissance. Un bref instant, il les prit pour des blessures, puis il se rendit compte qu'elles ne saignaient pas et finit par les reconnaître pour ce qu'elles étaient : des ouïes, identiques à celles des poissons.
    Un hurlement comme il n'en avait jamais poussé gonfla dans la poitrine de Philippe et franchit ses lèvres tel un raz-de-marée sonore. Instantanément vaincue, alors que la jouissance montait déjà en lui, son érection disparut. Malgré les efforts renouvelés de la créature qui le surplombait, son sexe glissa hors du fourreau humide où il s'était logé, tandis qu'un cri de rage aigu répondait à son cri d'horreur.
    Durant un bref mais atroce moment, la peur du garçon fut telle qu'il se crut paralysé, à l'image de son père lorsqu'une crise grave le saisissait. Puis sa nature combative reprit le dessus et il commença à se débattre. Lysamour eut beau tenter de le maintenir, peser sur lui de tout son poids, il était plus vigoureux qu'elle et eut tôt fait de la projeter en arrière – avec une telle force qu'elle tomba de la couche.
    Alors qu'il se précipitait vers son poignard, il s'empêtra dans les braies abaissées sur ses chevilles et, affolé, ne sachant s'il devait les remonter ou s'en débarrasser, demeura trop longtemps en place pour éviter l'assaut suivant.
    La diabolique créature s'était relevée d'un bond agile mais n'avait pas tenté de revenir à la charge, se précipitant au contraire vers le sombre disque mural qui avait intrigué Philippe. À la stupéfaction de ce dernier, elle y enfonça les bras jusqu'aux coudes et les ressortit dans un grand jaillissement liquide, porteuse de deux longs cordages vert émeraude qu'elle jeta sans attendre dans sa direction. Lui, décontenancé de découvrir en ce fameux disque une fenêtre ouverte sur la rivière – aux eaux contenues par quelque maléfice –, fut incapable d'éviter les étranges filins. Comme doué d'une vie propre, le premier s'enroula autour de son torse, de la poitrine à la taille, lui plaquant les bras le long des flancs. Le second, de la même façon, l'emprisonna des cuisses aux chevilles, si bien que malgré d'inutiles soubresauts, il se retrouva immobilisé. Les liens, froids et gluants sur sa peau nue, paraissaient composés de plantes aquatiques tressées, aussi solides que des torons de chanvre.
    Sa première pensée fut alors qu'il allait mourir et que le châtiment de ses péchés ne s'était pas fait attendre. Quoique se sachant coupable, indigne de la miséricorde divine, il lança une fervente prière au ciel pour qu'à tout le moins son âme fût sauvée.
    Lysamour, pendant ce temps, avait retrouvé le sourire. Ses yeux, l'excitation envolée, étaient redevenus normaux.
    — Eh bien, petit prince, on fait moins le faraud, à ce qu'il paraît, ironisa-t-elle en venant s'asseoir auprès de lui. Ce n'était pas agréable, ce que nous faisions ? Moi-même, je suis sûre qu'à la longue, j'aurais pu y trouver du plaisir, si tu n'avais pas
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