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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux
Autoren: Michel Zévaco
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d’Arronces, il s’arrêta soudain, puis recula… et ce fut lui, alors, qui saisit le bras de Corentin. Et si Corentin, dans les ténèbres de la nuit, eût pu voir le visage de son maître, peut-être, en dépit de tout son dévouement, se fût-il enfui.
    – As-tu entendu ? bégaya don Juan qui claquait des dents.
    – Non, non, monsieur ! Qu’avez-vous entendu, vous ?
    –  Don Juan ! Où vas-tu, don Juan ?… n’entends-tu pas la voix qui répète ces affreuses paroles ?
    – Non, non, je le jure !
    – Écoute !…
    – Monsieur, je jure que je n’entends rien !
    Juan Tenorio prêta l’oreille, tendit tout son être vers cette voix qu’il prétendait entendre. Puis il eut un long soupir, il passa sa main brûlante sur son front et murmura :
    – C’était donc une illusion ?
    – Un avertissement, monsieur ! Un suprême avertissement !…
    – Illusions ! cria don Juan dans un fébrile éclat de rire. Illusions et chimères, je vous nie ! Et même si vous êtes des réalités, si la mort n’est point la fin, si des ombres existent par-delà la tombe, ciel et enfer, je vous mets au défi !
    Continuant de rire, l’esprit exorbité, le regard fiévreux, les nerfs tendus, par il ne savait quelle souffrance, il s’avança d’un pas violent.
    Corentin le suivit, et poussa un cri de joie :
    – Monsieur ! Monsieur ! la grille est fermée !…
    – Fermée ? Que veux-tu dire, imbécile ?
    – Fermée ! Nous pouvons la franchir, nous, mais l’âne ? Ce bon Midas ? Et ses paniers ?
    – Ça ! Tu as la berlue. La peur te fait divaguer. La grille est ouverte !
    – Ouverte ? fit Corentin consterné, frappé de stupeur et de terreur. Oui, par ma foi ! Ouverte ! Je jure pourtant qu’à l’instant même elle était fermée !
    Et il disait vrai.
    Sans bruit, la grille fermée venait de s’ouvrir.
    Qui l’avait ouverte ? Probablement cette ombre que Jacquemin avait vue sortant de la Maison-Blanche. Sans doute ! Puisqu’il fallut bien que quelqu’un ouvrît la grille fermée. Silvia d’Oritza s’était donc procuré une clef pour entrer quand elle le voudrait dans le parc de l’hôtel d’Arronces ?
    Quoi qu’il en soit, don Juan, Jacquemin et l’âne franchirent la grille.
    Rapidement, Juan Tenorio s’avança jusqu’au perron de l’hôtel.
    Cette exaltation que nous avons signalée était bien loin de se calmer en lui ; elle devenait une intolérable souffrance qu’il s’obstinait à attribuer à la faim.
    Il leva des yeux hagards sur l’hôtel, et vit que toutes les fenêtres en étaient fermées, qu’aucune lumière ne s’y montrait, le vaste logis semblait abandonné.
    Don Juan joignait les mains dans un geste passionné et murmura :
    – Léonor, chère et cruelle Léonor, où êtes-vous ? Fleur suave qui embaumez mon âme d’un mystérieux et si puissant parfum d’amour, que ne puis-je vous arroser de mes larmes ; car alors, plus vivante et plus belle, vous pourriez vous épanouir en splendeur et en pitié. Léonor, je vous appelle. Léonor, je vous implore. Hélas ! Léonor ! Celui qui vous aime est là, et vous ne le savez point ! Don Juan supplie et se lamente en vain, ni l’aube, ni l’harmonie ne viennent planer sur les ténèbres, sur le silence ! Eh bien ! maudite soit ma douleur, et maudites mes larmes, puisqu’elles sont impuissantes à créer en vous le sublime frisson d’amour, Léonor, Léonor, écoute !
    Et d’une admirable voix souple, impressionnante, véritable sanglot musical, de sa voix d’une incomparable pureté, d’une magnifique puissance de suggestion, don Juan se mit à chanter la vieille romance chère aux amoureux du pays de l’amour, du pays d’Andalousie :
    Lagrimas que nos pudieron
    Tanta dureza ablandar.
    Yo las volvere à la mar
    Pues que de la mar salieron…
    « … Puisque vous ne pouvez, ô mes larmes – Adoucir tant de rigueur, – Je vous rendrai à la mer – Dont vous avez toute l’amertume… »
    Le bon Jacquemin Corentin raconta plus tard qu’en écoutant don Juan il s’était senti frissonner jusqu’au cœur, qu’il en était venu à oublier toute terreur, et que, pour la première fois, pour l’unique fois de sa vie, peut-être, il avait pleinement compris le sens de l’amour et de la mélodie tout ensemble.
    Mais peut-être d’autres que Corentin écoutaient-ils don Juan.
    Car il sembla à Jacquemin qu’il entendait un sanglot, au moment où Juan Tenorio cessa de
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