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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux
Autoren: Michel Zévaco
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de ce pèlerinage.

XXXII
 
LE FESTIN DE PIERRE
    Nous retrouvons Juan Tenorio dans sa chambre de l’auberge de la Devinière, vers dix heures du soir, au moment où il se préparait à chercher le rêve dans le sommeil, puisque la réalité de la vie ne lui causait qu’ennui et chagrin.
    – Monsieur, lui disait Jacquemin Corentin, vous voulez vous coucher, et je vous approuve. Car plus encore que les jours précédents vous semblez tout fiévreux. Pourtant, rien aujourd’hui n’a pu vous contrarier, car vous n’êtes pas sorti de cette chambre…
    – Ponthus est au Temple, dit don Juan. Le ciel m’est témoin que s’il fallait faire un signe pour l’arracher à son cachot, je ferais ce signe. Car don Juan ne redoute aucun rival. Mais enfin, ce pauvre diable est en prison. Je ne vois pas pourquoi je n’en profiterais pas.
    – Je ne le vois pas non plus, dit Corentin.
    – Ah ! tu vois ? C’est toi qui m’excites et me pousses.
    – S’il n’y avait entre dona Léonor et vous que le sire de Ponthus, je dirais : ma foi, au plus brave ! Au plus sincère ! Au plus hardi ! Mais, monsieur…
    – Quoi ? Que veux-tu dire, misérable drôle, avec tes mais ? Qu’y a-t-il, voyons ?
    – Je vous l’ai dit, monsieur, et je suis malheureux d’avoir à vous le répéter ! dit Corentin d’un ton qui ne manquait pas de solennité. Entre dona Léonor et vous, il y a la Mort ! Oui, monsieur, la Mort ! Que dis-je ? Il y a deux morts ! Deux fantômes, veillent sur cette jeune fille…
    – Oui, oui, ricana don Juan : Christa et le commandeur ? J’ai fait l’invitation. Je dois la tenir. J’irai dîner en tête à tête avec la statue du commandeur.
    Don Juan avait repris à travers la chambre sa marche agitée. Ses traits s’étaient convulsés.
    Un feu d’un insoutenable éclat brillait dans ses yeux. Parfois ses poings se crispaient convulsivement. Et parfois il portait la main à sa gorge comme s’il eût étouffé.
    Jacquemin Corentin, le voyant dans cet état d’exaltation qui lui paraissait près de la folie, comprit ou crut comprendre qu’il fallait feindre de céder.
    – Eh bien ! oui, monsieur, dit-il, vous irez dîner en tête à tête avec la statue.
    – Et tu nous serviras, Jacquemin !
    – Oui, monsieur.
    – À moins que tu ne préfères que je te passe ma rapière au travers du corps.
    – Je vous servirai, monsieur. C’est convenu, d’ailleurs. Lors donc que vous aurez pris jour pour ce dîner, nous irons ensemble à l’hôtel d’Arronces. Mais, en ce moment, voici qu’il se fait tard. Couchez-vous donc et me permettez de me rendre à la cuisine, car je meurs de faim.
    – Voilà qui tombe à merveille, dit Juan Tenorio. Tu auras tout à l’heure les reliefs de notre dîner. Car nous allons de ce pas nous rendre auprès de la statue du commandeur. Sois tranquille, j’aurai soin que les bouteilles te restent à demi pleines.
    Corentin fut foudroyé. Il blêmit. Il trembla. Il joignit les mains, et balbutia :
    – Quoi, monsieur ! Dès cette nuit ?
    – À l’instant même ! dit don Juan.
    Il ouvrit la porte de sa chambre et, à tue-tête, appela maître Grégoire qui se préparait à gagner son lit. Aux cris du seigneur Tenorio, l’aubergiste accourut.
    – Maître, dit don Juan, je veux dîner.
    – Monseigneur, les feux sont éteints. Mais pour votre service, il n’est rien qui m’arrête. Je cours.
    – Non. Inutile de rallumer. Le marbre est froid. La statue s’accommodera fort bien d’un dîner froid.
    – C’est bien possible, dit Grégoire à tout hasard.
    – C’est sûr, dit don Juan. Vous avez dans votre écurie un joli petit ânon.
    – Midas, oui, monseigneur.
    – Midas, soit. Vous allez donc bâter Midas. Sur chaque côté du bât, vous ajusterez un panier, un à gauche, un à droite, ce qui sera d’un effet imposant. L’un des paniers portera les vivres, l’autre les bouteilles. Dans le panier aux victuailles, mettez ce que vous avez de meilleur dans votre cuisine en volailles, pâtés, venaisons, sans parler du menu cortège des tartes et confitures auxquelles excelle l’incomparable M me  Grégoire.
    – Monseigneur est trop bon. Et dans le panier aux bouteilles ?
    – Ce que vous pouvez avoir dans vos caves de plus vieux, de plus fin, de plus généreux. Vite, maître Grégoire ! La statue m’attend à minuit !
    L’aubergiste s’élança.
    – Monsieur, commença résolument Jacquemin, ne comptez pas
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