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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux
Autoren: Michel Zévaco
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sur moi pour…
    – Un mot encore, dit Juan Tenorio, et je prends le bâton, et ne le dépose que quand je t’aurai laissé pour mort. Continue, maintenant.
    – Monsieur, ne comptez pas sur moi pour garder la chambre tandis que vous serez là-bas. Je me sens une faim dévorante, et vous déclare tout net que je veux être du dîner.
    – Tu en seras, mon bon Jacquemin. Prépare-toi donc, car les rues sont peu sûres, et nous pourrions rencontrer tels affamés qui nous enlèveraient Midas et le dîner.
    « Plût au ciel ! cria Corentin en lui-même. »
    Et il ceignit une bonne dague, tandis que don Juan s’armait et se couvrait de son manteau.
    Quelques minutes, et Grégoire apparut en disant que l’ânon et le dîner étaient prêts à partir, l’un portant l’autre.
    Don Juan descendit tout empressé dans la cour, et Corentin le suivit en récitant force prières. Maître Grégoire ouvrit une porte, Jacquemin saisit Midas par le bridon.
    – En route ! dit joyeusement don Juan. En route pour le festin de pierre !
    – Maître Grégoire, murmura Jacquemin à l’oreille de l’aubergiste, vous trouverez dans ma chambre une somme de cent vingt livres et huit sous. Si vous ne me voyez pas revenir, je vous supplie de convertir cette somme en messes pour le salut de mon âme.
    Et Jacquemin sortit à son tour, laissant l’aubergiste tout ébahi.

XXXIII
 
LA STATUE DU COMMANDEUR
    À l’entrée du chemin de la Corderie, don Juan s’arrêta, et Corentin put espérer que son maître, pris de remords, allait faire volte-face. Mais don Juan qui, jusque-là, n’avait pas soufflé mot :
    – Tu as de la chance que tes cris, tes braiments, tes vociférations ne nous aient point attiré quelque méchante aventure, car si nous avions été attaqués, j’étais décidé à te poignarder.
    – Monsieur, dit Jacquemin, vous vous calomniez. Vous n’auriez point le cœur de tuer votre dévoué serviteur.
    Et Jacquemin disait la vérité.
    – Assez ! gronda don Juan. Parce que je permets à ta maudite langue de m’assourdir, tu finis par croire que tu as le droit de parler quand il faut faire silence. Maintenant, tais-toi, car ma patience est à bout.
    Ayant dit, Juan Tenorio s’avança dans la direction de l’hôtel d’Arronces, et Corentin suivit, tirant l’âne par le bridon.
    Ils arrivèrent, en silence, jusque devant la Maison-Blanche… le logis dont Silvia, épouse de don Juan, avait fait un retrait pour son implacable douleur.
    Là, don Juan s’arrêta encore, et tendit l’oreille.
    Corentin le rejoignit et murmura :
    – Monsieur, n’avez-vous pas vu une ombre se glisser à l’instant hors de ce logis ? Ne l’avez-vous pas vue s’élancer vers l’hôtel d’Arronces ?
    – Oui, je l’ai vue. Et que crois-tu que ce soit ?
    – Je ne sais. Peut-être un avertissement que vous ne devez pas aller plus loin…
    Don Juan eut un éclat de rire sinistre.
    – C’était Silvia, mon bon Jacquemin, Silvia !…
    – Votre noble épouse ! Ah ! monsieur, permettez à votre humble serviteur…
    – Je te permets de te taire, imbécile ! Si ma noble épouse veut être du dîner, elle en sera, par le ciel ! Suis-moi !
    Ils se remirent en route.
    Jacquemin multipliait les signes de croix et les prières.
    Don Juan s’avançait avec fermeté, sans bravade d’ailleurs. Il se trouvait dans un singulier état d’esprit. Il ne croyait nullement à ces dangers imaginaires dont Jacquemin lui ressassait les oreilles. Il n’y croyait pas. Et il était forcé de constater que son cœur tremblait. Il vivait une de ces heures étranges qu’il avait déjà vécues. Il lui semblait que la nuit s’emplissait du même mystère que dans cet instant où, à Séville, au palais Canniedo, après le repas des fiançailles, il avait vu la table se mettre en mouvement, et, menaçante, foncer sur lui, pareille à une bête inconnue.
    Il sentait l’épouvante rôder autour de lui.
    Par moments, il éprouvait le besoin de se coucher sur le sol pour reposer ses nerfs qui, de minute en minute, se tendaient comme des cordes prêtes à se briser, et il lui fallait un énergique effort pour avancer encore. Alors, sa respiration devenait plus pénible, alors ses yeux voulaient se révulser, la sueur perlait à ses tempes, coulait sur son échine, une malédiction grondait sur ses lèvres, il résistait, ah ! de toutes ses forces, il résistait à l’emprise du mystère…
    À dix pas de la grille de l’hôtel
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