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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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le crâne avec un os. Vous avez ôté de son plateau toute pièce, toute médaille que vous lui aviez offertes, y compris un bouton sur un lambeau de tissu appartenant à la livrée des Beaumont que vous avez laissé traîner pour brouiller les pistes.
    Je haussai les épaules.
    — Les Beaumont étaient une simple nuisance, redoutant d’être éloignés du roi et s’inquiétant de ce qu’il pouvait comploter quant à leurs précieux domaines en Écosse. Ils ne s’intéressaient qu’à eux-mêmes. J’ai failli vous surprendre ce jour-là dans l’ossuaire. Rien d’étonnant à ce que vous soyez venu nous voir, Demontaigu et moi, pour savoir si j’avais avancé dans mon enquête. C’est fort subtil que d’être la proie qui peut se mêler aux chasseurs à loisir et découvrir ce qui se trame !
    Je soupirai.
    — Eh bien, mon frère, qu’avez-vous à alléguer au sujet du pauvre Eusebius ?
    — Vous n’avez point de preuves solides.
    — C’est exact, admis-je, de même que rien ne prouve que vous ayez occis le Pèlerin. Il est venu ici déguisé en franciscain. Il voulait me confier un secret. Vous m’avez vue deviser avec quelqu’un habillé en religieux. Plus tard nous avons quitté le prieuré pour nous rendre au Pot-au-feu dans Pig Sty Alley. Croyez-moi, mon frère, le meurtre que vous avez commis ce soir-là était des plus cruels. Vous estimiez que le massacre des Aquilae n’était que juste punition. Il fallait réduire frère Eusebius au silence à cause de ce qu’il avait pu voir et entendre, mais le trépas du Pèlerin n’a été que pur hasard. Vous redoutiez qu’ici un franciscain, frère Eusebius mis à part, n’ait aussi été témoin de quelque chose de fâcheux. Vous n’osiez pas vous en prendre à moi ou à mes proches à cause de Sa Grâce, mais il en allait autrement pour le Pèlerin. Vous vous êtes muni d’une arbalète et avez attendu qu’à notre retour nous passions dans la flaque de lumière. Vous avez occis le Pèlerin et avez disparu. Vous avez tué un autre être humain uniquement au cas où…
    Dunheved secoua la tête et fit mine de partir. Isabelle lui chuchota quelque chose dans un patois que je ne pus comprendre, mais je suis sûre qu’elle lui ordonna de s’en aller. Le dominicain avait perdu un peu de sa sereine impudence. Il se leva et s’inclina devant la reine.
    — Votre Grâce, je vous prie de m’excuser.
    — Vous êtes tout excusé, mon frère.
    — J’aimerais m’entretenir avec maîtresse Mathilde.
    — Si elle désire vous parler seule à seul, mon frère, vous pouvez vous retirer tous les deux, mais Mathilde doit revenir indemne.
    D’un geste rapide, elle m’incita à accompagner Dunheved.
    Je m’exécutai et le suivis dans le clos voisin de la roseraie. Derrière moi j’entendis la souveraine appeler ses écuyers. Dunheved se dirigea vers le portillon donnant accès au grand porche de l’église du prieuré. C’était le crépuscule, l’heure des chauves-souris. Des formes noires s’élançaient dans la pénombre. C’était la tombée du jour, quand les démons se mettent en marche et que gargouilles et babouins, paraît-il, s’animent afin de rôder dans le monde des hommes. Un moment idéal pour affronter un assassin au visage avenant et au cœur déloyal. Arrivé à la grille Dunheved se tourna soudain et me dévisagea.
    — Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour le roi, la Couronne et le bien de ce royaume, proféra-t-il d’une voix aigre.
    — Il est vrai, mon frère, mais cela aurait aussi pu être accompli dans le respect de la loi. Les Aquilae auraient pu provoquer la colère de Dieu, pourtant qu’en est-il du malheureux Eusebius, du pauvre Pèlerin, des deux serviteurs de Kennington ? Qui plus est, mon frère…
    Je m’approchai de lui.
    — … vous savouriez votre rôle. Vous l’aimiez. Je ne pense pas que c’était votre premier meurtre. Je suis convaincue que ce ne sera point le dernier.
    — Le monarque ne vous croirait jamais, fanfaronna Dunheved. Et un tribunal, qu’il soit royal ou ecclésial, pas davantage.
    Il s’ébroua, comme pour se débarrasser de tout doute, de toute culpabilité.
    — J’ai accompli l’œuvre de Dieu.
    — Ce qui vous rend particulièrement dangereux, mon frère. Aucun homme n’est plus redoutable que lorsqu’il pense avoir été choisi par Dieu pour tuer et faire justice selon les volontés du Créateur. Vous pouvez vous en aller. Le roi n’en saura rien, mais
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