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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos
Autoren: Paul C. Doherty
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gâte-sauce a décrit la scène : pas de cri, pas de hurlement, juste une chute, tel un oiseau touché en plein vol.
    Je me retournai pour montrer ce fatal clocher qui se dressait dans le ciel vespéral.
    — Mon ami Demontaigu, à la grande surprise du père prieur et des frères, a emporté un épouvantail habillé et emmitouflé d’une cape en haut de la tour. Il l’a laissé sur la saillie.
    J’eus un petit sourire.
    — Finalement, lorsque les cloches ont sonné, il est tombé, ce qui a confirmé mes soupçons. En fait, c’est la seule explication logique. Je vous l’ai déjà dit : qui aurait redouté un inoffensif dominicain désarmé ? Mais, bien sûr, mon frère, vous n’avez pas toujours été prêtre, n’est-ce pas ?
    Dunheved eut un large sourire, comme s’il se délectait d’une secrète plaisanterie.
    — Vous m’avez raconté avoir servi dans l’armée en tant qu’écuyer. Vous êtes tout autant un soldat que ceux que vous avez tués.
    — Vous prétendez bien que j’ai commis une erreur avec Leygrave ? releva le dominicain.
    — Je ne vous ai jamais pipé mot, déclarai-je, de l’empreinte boueuse laissée par les bottes de Leygrave sur le rebord, en tout cas pas de façon aussi détaillée. Néanmoins, lorsque j’ai évoqué son trépas avec vous et Demontaigu, vous y avez fait allusion. Comment pouviez-vous le savoir ?
    — Je… je crois que vous l’aviez mentionné…
    — Mathilde, terminez ce que vous avez commencé, ordonna Isabelle d’une voix chargée de reproches.
    — Venons-en donc à la tour Duckett, à Tynemouth. Un endroit d’intrigues et de terreurs. Je me suis toujours demandé, mon frère, pourquoi le confesseur du roi devait nous accompagner. Sans aucun doute, vous aviez persuadé le souverain que la reine avait besoin de vous. Le roi était si bouleversé qu’il aurait consenti à n’importe quoi !
    Je m’interrompis.
    — Je comprends votre sollicitude, mais le meurtre était votre motif principal. Il est certain qu’à Tynemouth, les Aquilae, à l’insu de nous tous, ont entretenu de félonnes communications secrètes avec les hommes de Bruce. Ce sont eux qui allumaient ces signaux envoyés depuis les murs enténébrés de la place forte, eux qui ont ouvert le portail de la poterne. Ils avaient la mine plutôt contrite sur la cogghe, et ils avaient de bonnes raisons pour cela. Ils avaient prévu d’être en sécurité à bord quand les Écossais lanceraient leur assaut. Vous vous étiez déjà élevé contre ces malfaisants. Vous auriez aimé les occire tous, mais c’était impossible. Alors, par un matin froid et venteux, bien avant l’aube, vous vous en êtes pris à Kennington. Rosselin et Middleton avaient achevé leur garde ; ils étaient gelés, épuisés, voire apeurés. Eux et leurs hommes ne tarderaient pas à s’endormir.
    Je haussai les épaules.
    — Dieu seul sait si vous avez versé de l’opiat dans leur nourriture et leur boisson.
    — Je vous dis…
    Dunheved semblait furieux, pas tant d’être accusé, que d’être accusé par moi, une femme. Je sentis ce dédain dans son âme. Je l’avais distingué auparavant chez les hommes qui jugent les femmes inférieures à eux à tous égards.
    — Je vous dis, répéta-t-il, que je ne connais rien à vos potions et poudres.
    — Allons, allons, intervint Isabelle, la main levée.
    — Je ne manquerai pas de vous répondre là-dessus. Vous étiez dans la bibliothèque du prieuré où vous prétendiez étudier le Cur Deus Homo – Pourquoi Dieu s’est fait homme, d’Anselme. C’était un mensonge ; il ne s’agissait pas de cela. Les archives de la bibliothèque relatent sans conteste que le manuscrit que vous avez emprunté était une copie du Causae et Curare – les causes et les remèdes – d’Hildegarde de Bingen.
    Je me tus quelques secondes.
    — Vous l’aviez aussi consultée avant notre départ pour Tynemouth. Ce traité est une source de renseignements dont vous aviez l’emploi contre vos ennemis – que ce soit Kennington ou Middleton – ou pour polluer les puits du château de Scarborough. Vous avez appris quelles potions, quelles poudres somnifères il fallait acquérir, ce que vous avez fait, bien sûr, chez un apothicaire ou un herboriste, ici, à York. Au petit matin ce jour-là, à Tynemouth, vous vous êtes faufilé à pas de velours, tel un chat en chasse, dans la tour Duckett. Vous avez monté l’escalier sans bruit. En passant devant
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