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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Langelier, près de l’École technique… et de la rue Saint-Anselme.
    Melançon afficha une grimace narquoise et attendit la suite.
    â€” Peux-tu aller voir Clémentine?
    â€” La rumeur est donc vraie.
    â€” Afin de la rassurer…
    Le contremaître demeura un moment silencieux, puis consentit :
    â€” Ma femme est chez sa sœur, dans Saint-Sauveur. Il y a une trentaine d’heures que je ne l’ai pas vue. Je passerai d’abord de ce côté, puis je m’arrêterai en revenant.
    Un peu plus tard, il se glissait dehors en attachant le dernier bouton de son paletot sous son menton. La neige tombait toujours, lourde et mouillée, sur la Basse-Ville.
    * * *
    Le major Mitchell s’égosillait en anglais dans un porte-voix, demandant aux manifestants de rentrer chez eux. Les pierres tombaient dru sur les soldats, les insultes aussi. De temps en temps, depuis les toits, venaient les détonations des revolvers. Tirant au jugé, les émeutiers faisaient parfois des blessés légers.
    Lessard dirigeait ses hommes dans la rue Saint-Joseph. Son arrivée au coin de Langelier provoqua un mouvement de foule suffisant pour inquiéter le major Mitchell. La mitrailleuse toussa dans un bruit sourd, un peu couvert par l’averse de neige. Melançon revenait de l’appartement de sa belle-sœur, à l’ouest du boulevard. Au moment de le traverser pour rejoindre Saint-Anselme, il ressentit un coup violent, comme le sabot d’un cheval heurtant son bas-ventre.
    Projeté sur le dos, étendu dans la neige fondante, des centaines de personnes courant autour de lui en hurlant de terreur, il releva la tête pour regarder son abdomen. Les balles avaient déchiré la chair, ses intestins sortaient du vêtement en boucles rouges. Un moment plus tard, la nuque reposant sur les pavés, il cessa de distinguer les gros flocons tombant du ciel noir.
    Comme trois autres personnes, il ne se relèverait pas. Le bruit des mitrailleuses s’entendit jusque dans le magasin PICARD. Par la fenêtre dans la porte, Thomas vit des gens courir en tous sens. Certains blessés semblaient avoir un peu de mal à se déplacer. Quelqu’un, le visage ensanglanté, frappa contre la vitre, la cassa de son poing fermé.
    â€” Ils tirent sur les gens! cria l’inconnu. Laissez-moi entrer!
    Le commerçant le repoussa, puis chercha des planches pour boucher cette nouvelle ouverture.
    * * *
    Le lendemain, 2 avril 1918, Édouard accepta d’accompagner la veuve Melançon à la morgue afin de reconnaître le corps de l’employé.
    â€” Nous allons nous occuper du coût des funérailles, prononça-t-il d’une voix blanche en sortant du petit édifice municipal.
    â€” Ce ne sera pas nécessaire. Il contribuait à l’Union Saint-Joseph.
    Elle paraissait calme, comme hébétée. La conscience de sa nouvelle situation lui viendrait lentement.
    â€” Je paierai tout de même.
    â€” Hier, en me quittant, il m’a dit devoir encore faire une course pour vous.
    â€” Je ne vois pas… Ah! Oui, je lui avais demandé s’il pouvait dénicher une bouteille d’alcool. Nous étions tous là, résolus à monter la garde toute la nuit.
    Les rues se révélaient paisibles. Des patrouilles de soldats marchaient au milieu de la chaussée. Sur les trottoirs, les passants vaquaient à leurs affaires en feignant de ne pas les voir. Entre eux, ils se murmuraient : « Les salauds! Ils ont donné l’ordre Shoot to kill ! »
    Cette fois, les Canadiens français avaient payé le prix du sang dans leurs propres rues. Plus personne ne songeait à jouer aux émeutiers. Les règles paraissaient trop sévères.
    * * *
    Les repas dominicaux se poursuivaient chez les Picard, une semaine sur deux avec la présence d’Eugénie, de son époux et de leurs deux enfants. Elle se trouvait à nouveau enceinte et n’hésitait pas à mentionner : « Trois, cela me paraît un chiffre parfait! » Fernand, dans ces occasions, baissait les yeux et serrait les mâchoires.
    â€” Personne ne sera poursuivi, commenta Édouard.
    â€” Chez les soldats? demanda Thomas. Cela va de soi, tu as vu la proclamation comme moi. On leur demandait de prévenir tout nouveau rassemblement. Non seulement les manifestants s’avéraient-ils nombreux,
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