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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang
Autoren: Jean-Pierre Charland
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cria quelqu’un.
    â€” Pires que des Boches, intervint un autre.
    Le politicien reprit son souffle, puis continua :
    â€” Ottawa a envoyé un enquêteur, Harold Machin, afin de tirer au clair le comportement des spotteurs. Il m’assure que les soldats ne patrouilleront pas les rues. Même le maire Lavigueur leur demande de ne pas quitter les casernes. Cependant, ils se tiendront tout près, et au moindre incident… Ne leur donnons pas le prétexte d’intervenir.
    Les manifestants demeuraient perplexes. Lavergne ne les avait pas habitués à des discours semblables. Les uns trouvaient le revirement suspect, les autres jugeaient la menace de représailles bien réelle désormais, si elle rendait cet agitateur si timide.
    Quelques minutes plus tard, l’orateur abandonna son estrade improvisée. Lentement, les spectateurs quittèrent les lieux, la mine basse, comme déçus de ne pas être invités à gravir à nouveau la côte d’Abraham en chantant des hymnes patriotiques. Édouard s’approcha et commença par demander:
    â€” Cette grippe ne passe pas?
    â€” Je devrais être dans mon lit, un verre de gin chaud sur le chevet.
    â€” Est-ce vrai, ton histoire d’enquêteur?
    Son interlocuteur se troubla un moment avant de convenir :
    â€” Ce Machin se trouve bien à Québec pour enquêter. Je lui ai parlé cet après-midi.
    â€” Les troupes ne se promèneront pas dans les rues? Il vaudrait peut-être mieux qu’elles le fassent. Des manifestants défoncent les commerces.
    â€” Ce sont quelques voyous qui se mêlent à nous. La présence de soldats excite la colère des plus inquiets. Cela pourrait entraîner des gestes regrettables.
    Après avoir alimenté les passions lors des dernières années, le politicien paraissait maintenant dépassé par les événements. Édouard songea aux condamnations répétées de son père : les agitateurs s’en tireraient impunément, protégés par des amis, des parents ou leur seule position sociale. Les gens modestes entraînés dans leur sillage régleraient la facture, à la fin.
    â€” Je rentre au magasin. Va te coucher, tu ressembles à un déterré.
    â€” Au magasin?
    â€” Nous sommes une dizaine à monter la garde afin de sauver nos vitrines de tes amis.
    D’un pas vif, il s’engagea dans la rue Saint-Joseph.
    * * *
    Le rayon du matériel de sport offrait de nombreuses ressources. Un fusil de calibre 12 près de lui, une couverture le couvrant pour le protéger du froid, Édouard dormit quelques heures. Ses compagnons ronflaient autour de lui. Le soleil se levait à peine quand son père donna de petits coups de pied sur ses souliers pour le réveiller. Il se redressa dans un sursaut et mit un instant avant de reprendre ses esprits.
    â€” Les rues sont paisibles, commença le marchand.
    â€” Les manifestants…
    â€” … ne se sont pas présentés, les pillards non plus. Autour d’eux, les employés sortaient de leur sommeil.
    Thomas annonça à la ronde :
    â€” J’ai demandé aux gens des cuisines d’ouvrir un peu plus tôt. Vous pourrez manger un repas chaud au restaurant du sixième avant de rentrer à la maison. Vous viendrez reprendre votre poste en fin d’après-midi…
    â€” Les livraisons? demanda Melançon.
    â€” Nous ne livrerons rien aujourd’hui. Les rues risquent d’être incertaines. Demande à tes hommes de venir ce soir. Nous allons camper sur les lieux, le temps que tout le monde se calme un peu.
    Les employés firent comme on le leur disait. Édouard replia soigneusement sa couverture et prit son fusil en disant :
    â€” Autant mettre cet outil dans ton bureau. Mais les choses devraient s’améliorer, dorénavant. Selon Lavergne, Ottawa a envoyé un enquêteur dans la ville. L’armée demeurera à la caserne, s’abstenant de patrouiller les rues.
    â€” Fais-tu encore confiance à ce que cet homme raconte?
    Devant l’air interdit de son fils, le commerçant lui fit signe de le suivre. Ils sortirent sur le trottoir de la rue Saint-Joseph. Sur le mur de l’établissement, entre la porte et l’une des vitrines, on avait collé une affiche. Édouard lut à mi-voix :
    AVIS PUBLIC
    Les autorités militaires désirent porter
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