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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang
Autoren: Jean-Pierre Charland
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à la connaissance du public que les attroupements illégaux sont absolument défendus et que ceux qui y participent, même par leur seule présence, sont coupables d’un acte criminel et passible d’emprisonnement.
    Un ATTROUPEMENT ILLÉGAL est la réunion de trois personnes ou plus qui, dans l’intention d’atteindre un but commun, se réunissent ou se conduisent, une fois réunies, de manière à faire craindre aux personnes qui se trouvent dans le voisinage de cet attroupement pour des motifs plausibles que les personnes ainsi réunies vont troubler la paix publique tumultueusement ou provoquer inutilement et sans motif raisonnable, par le fait même de cet attroupement, d’autres personnes à troubler la paix publique.
    Dans les circonstances que Québec traverse, il est du devoir de tous les citoyens de ne pas laisser leur domicile, spécialement le soir, et de ne pas se mêler aux agitateurs qui ont introduit le désordre dans la ville. Cet avis est donné dans le but de prévenir tout accident à ceux qui ne prennent aucune part aux émeutes.
    Si un attroupement illégal a lieu et que quelqu’une de ces personnes ainsi attroupées est tuée ou blessée lors de son arrestation ou d’une tentative faite pour l’arrêter ou la faire se disperser par suite de sa résistance, tous ceux qui ont donné l’ordre de l’arrêter ou de la faire se disperser et tous ceux qui exécutent cet ordre sont à l’abri de toute poursuite ou procédure de toute sorte à ce sujet.
    L’avertissement se continuait encore sur plusieurs paragraphes.
    â€” Quant à l’armée dans les rues, continua Thomas, regarde.
    Il montra du doigt un petit peloton d’une douzaine d’hommes marchant au pas, la carabine à l’épaule. Sur les trottoirs, des hommes se rendaient à l’atelier, à la manufacture ou dans un commerce environnant afin de travailler. Certains donnaient libre cours à leur colère :
    â€” Sales Boches! cria quelqu’un. Retournez chez vous!
    â€” On n’est plus en 1760! hurla un autre.
    Ces militaires venaient de l’Ontario. Si le sens de ces invectives leur échappait, le ton demeurait limpide. Les enfants et les adolescents, en route pour l’école ou vers un premier emploi, se montraient plus explicites encore. Ils grimaçaient, multipliaient les gestes obscènes, lançaient des cris perçants. Finalement, les plus audacieux jetèrent des pierres en direction de la patrouille. Un soldat fit mine de prendre son arme. Le sous-officier arrêta son geste.
    â€” Pourtant, Lavergne m’avait dit… commença Édouard.
    â€” Tu deviens ridicule, à la fin. T’imagines-tu qu’il donne des ordres à l’armée?
    L’homme rentra dans son commerce, désireux de téléphoner à Élisabeth afin de lui relater les derniers événements.
    * * *
    Malgré sa fièvre, Armand Lavergne s’arracha à son lit au milieu de la matinée, puis se posta dans le hall du Château Frontenac afin de surveiller les allées et venues des officiers. Préoccupé, il ne remarqua pas la présence d’un homme en civil absorbé dans la contemplation d’un étalage de cigares. À midi, le major-général Lessard entra, entouré de son état-major, pour se diriger vers la salle à manger. Le politicien s’approcha. Tout de suite, un capitaine au visage rébarbatif se plaça sur son chemin.
    â€” Monsieur Lessard, s’il vous plaît, prononça-t-il en haussant le ton.
    L’officier se retourna, agacé, puis déclara :
    â€” Ah! Le maître des barricades… Que me voulez-vous?
    â€” Vous parler un moment.
    â€” Je suis pressé.
    â€” Je vous en prie.
    Le major-général secoua la tête, puis convint :
    â€” Cinq minutes alors, pas une de plus.
    L’officier gagna sa table. Ses hommes s’installèrent autour de lui. Lavergne demeura debout un moment. Lessard finit par grogner :
    â€” Approchez une chaise et dites ce qui vous amène.
    Le politicien obtempéra.
    â€” Vous faites patrouiller les rues depuis ce matin.
    â€” Et vous gardez le lit, à ce qu’on m’a dit, victime d’un vilain rhume.
    La réponse le laissa un moment interdit, puis il admit :
    â€” Un ami m’a
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