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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar
Autoren: Robert Escarpit
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première fois que tu es allé à la Guadeloupe, c’était en avril 94, si je ne me trompe ?  
    — Oui, commandant.  
    — Lacrosse venait d’y être remplacé par Collot comme gouverneur. Maintenant, il y retourne : on vient de le nommer capitaine général de la Guadeloupe.  
    — Nous allons à la Guadeloupe, commandant ?  
    — Oui. Lacrosse va tenter de mettre un peu d’ordre dans le fameux gâchis qu’y a créé la commission du Directoire après le rappel de Victor Hugues. Cela ne se passera pas sans mal. En 93, je crois que Lacrosse était sincèrement républicain, mais le Lacrosse de 1801 n’est plus celui de 1793 !  
    Tout le reste de la traversée, Hazembat eut fort à faire pour assurer son service auprès de Leblond-Plassan et pour satisfaire les exigences de Lacrosse qui, sans cesse, voulait consulter les dossiers contenus dans les lourdes malles qu’on avait arrimées à l’avant du premier pont. Mais il était porté par l’allégresse secrète que suscitait en lui l’idée de retrouver la Guadeloupe. Plusieurs fois, il rêva de Belle. Il y avait six ans de cela et il sentait encore sur son corps la chaleur de leurs étreintes dans le carbet, près de la plage où ils s’étaient quittés. Avait-elle épousé Céleste Laprune, le nègre patriote ? Son corps s’était-il fané, comme elle avait dit ? L’attente accroissait son désir, étouffant les remords que lui donnait la pensée de Pouriquète.  
    Poussée par l’alizé, la Bayonnaise arriva en vue de la Guadeloupe le matin du 9 Prairial, trente-cinq jours à peine après son départ. Tandis que l’étrave fendait l’eau argentée entre les îlots verdoyants, Hazembat sentait une légère brise de terre lui apporter les mille parfums des tropiques. La flamme de l’amiral flottant au grand mât avait dû être aperçue de la côte car, lorsque la corvette mouilla dans le Petit Cul-de-Sac, un canon se mit à tirer une salve d’honneur.  
    Il y avait davantage de bateaux dans le port que lors de la dernière visite d’Hazembat. Outre quelques navires de guerre français de faible tonnage, on remarquait deux gros navires de commerce américains et un hollandais.  
    Leblond-Plassan prit place dans la chaloupe avec l’amiral. Une escouade de soldats constituait l’escorte.  
    Apparemment, Pointe-à-Pitre n’avait pas changé. Il y avait foule sur l’esplanade d’où avait disparu la silhouette sinistre de la guillotine. A mesure qu’on se rapprochait de la darse, on distinguait les accents d’une musique militaire et des acclamations. Un piquet de soldats se préparait à rendre les honneurs et un groupe d’officiels empanachés se tenait sur l’appontement.  
    L’œil d’Hazembat glissa le long des arcades, cherchant l’auberge de Papa Lafortune, mais, dans la cohue, il n’arrivait à rien distinguer. Son cœur battit plus vite quand il aperçut des femmes vêtues de cotonnades multicolores comme en portait Belle.  
    Dès que Lacrosse, aidé d’Hazembat, eut pris pied sur l’appontement, deux officiers en bicorne s’avancèrent vers lui. L’un était un Blanc, l’autre un mulâtre.  
    — Général Béthencourt, commandant militaire de l’île, amiral, et voici mon adjoint, le chef de demi-brigade Pelage.  
    Lacrosse répondit au salut et, tirant un papier du revers de sa manche, lut la décision des Consuls le nommant capitaine-général de la Guadeloupe.  
    Quand le déchargement des bagages fut terminé, Leblond-Plassan dit à Hazembat :  
    — Sois prêt à cinq heures. D’ici là, quartier libre.  
    Hazembat posta deux hommes armés dans l’embarcation. La foule bon enfant qui se pressait sur le quai n’avait rien d’inquiétant, mais il avait moins confiance dans les soldats nègres qui erraient par bandes, sans but apparent.  
    Dès qu’il eut terminé, il fendit la presse et se dirigea vers les arcades. Aussitôt, les odeurs l’assaillirent, fruits et fleurs mêlées à des senteurs de terre mouillée. Le marché était beaucoup plus animé et mieux fourni que lors de sa dernière visite. Les étals en plein vent s’étaient étendus, envahissant l’esplanade.  
    Dans la salle d’auberge, pleine et enfumée, Papa Lafortune était assis à une des tables. Il s’était comme rabougri et sa peau fripée avait des tons grisâtres. Il reconnut aussitôt Hazembat.  
    — Te voilà, fils ? Quel bel homme tu es devenu ! Tu boiras bien un cœur de chauffe avec moi ?
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