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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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Cette nuit, j’ai pensé à cet écuyer qui me voulait violer. Sans toi…
    – C’est me donner trop d’importance. J’ai affronté Héliot et l’ai vaincu mais c’est Tiercelet qui vous a tirée de ce maudit châtelet !
    Elle s’assit derechef, tapota sa robe entre ses genoux, et tout en rassemblant les plis courts et disjoints du vêtement :
    – Il n’est qu’un malandrin.
    – À supposer qu’il soit ce que vous dites, il s’est conduit pour vous ainsi qu’un chevalier.
    Mathilde réfuta cette assertion d’un rire. Cependant, quel que fut son mépris envers le brèche-dent, c’était à lui qu’elle devait de vivre. Séparé de cet ami au dévouement intarissable, il gisait, lui, Tristan, dans une chambre dont les poutres aux entrevous étroits et sombres composaient une herse énorme qui, dès qu’il levait les yeux, aggravait son sentiment d’une captivité douce-amère, tout aussi injuste qu’irrémédiable. Non loin de la fenêtre, un dressoir scintillait d’un double alignement d’étains pansus, et l’on eût dit des heaumes déposés là par des guerriers en godaille.
    – Il est vrai, dit Mathilde sans la moindre âpreté, que vous avez sûrement fait davantage pour Oriabel que pour moi… en ignorant qu’elle était ma chambrière.
    Elle est restée fort peu de temps à mon service. Une pute !… Je l’avais renvoyée.
    Mensonge : Oriabel avait fui les murs de Montaigny. Une pute ? Il eût pu répliquer : « Elle était vierge et je l’aime toujours. » Il eût envenimé un entretien dans lequel Mathilde ba lançait entre le tu et le vous tandis qu’il s’en tenait au vous en soignant, afin de lui complaire, les intonations de sa voix. Avant de se conduire envers elle en époux, il s’essayait à l’amitié : une amitié hypocrite et inquiète dont il avait vergogne et pour elle et pour lui.
    – Je n’ai appris qu’elle avait servi à Montaigny que lorsqu’on nous conduisait au bûcher… Par ce presbytérien du nom d’Angilbert de Bruges.
    – Une putain, vous dis-je ! Et c’est pourquoi ce formariage 5 est nul !
    Comme l’âcreté de ce vocable différait des mots doux qu’elle semblait tenir en réserve, juste pour qu’il en profitât ! Dans l’éclat de ses yeux si passionnés l’instant d’avant, il ne trouvait qu’une luisance d’arme. Il l’avait vue nue lors d’un festin hideux. Vue et non contemplée. Maintenant, à travers le froissement des draps, elle imaginait sa nudité d’homme. Rien n’y dénonçait le désir de l’étreindre.
    – Une ribaude, Tristan, juste bonne à se faire enfourcher sur un lit de paille. Je vous défends d’y songer.
    Tout en s’interdisant une réponse acerbe, Tristan se répéta qu’il vénérait sa blonde aux yeux d’armoise. Il se libérerait un jour pour se lancer à sa recherche.
    Mathilde lui tendit sa dextre alourdie de joyaux ; il en baisa le creux suffisamment longtemps pour qu’elle pût se méprendre sur une sujétion qui n’existait pas. Il se disait, ce faisant : «  Es cëouclâdo d’anels coum uno boûto 6  » sans pour autant dissiper son ennui.
    _ Il m’est doux de devenir votre épouse, dit-elle sur un ton quelque peu roucoulant. Sachez-le : quand mon premier mari périt à Crécy, j’avais seize ans. Le second trépassa à Nouaillé-Maupertuis…
    Si elle avait seize ans en 1346, elle en avait vingt-six à son second veuvage ; trente-deux maintenant. Cette sincérité en exigeait une autre :
    – J’ai vingt-deux ans.
    – Tu me trouves moult vieille.
    – Nullement.
    – Menteur !
    Mathilde eut un mouvement agacé après lequel elle s’interdit, semblait-il, tout autre commentaire. Le jais de ses prunelles se pailleta d’un peu de mauve, comme la gorge des pigeons, tandis qu’une roseur avivait ses pommettes.
    – Dieu me garde de mentir, dame !
    Déformés quelque peu, sans doute, par l’épaisseur d’une fatigue irrémédiable en apparence, les ultimes conseils d’Angilbert le Brugeois revinrent troubler Tristan : «  Tu n’as pas le choix. Elle te veut pour mari : tu échappes au bûcher. Après quelques mois de mariage, tu demanderas le divorce. Grâce au roi Jean ou à son fils, tu l’obtiendras sans peine. » Il se renfrogna. Le roi lui avait confié une mission ; les événements s’étaient succédé si mauvaisement qu’il s’était trouvé incapable de la conduire à son terme. Sa bachelerie 7 , sa droiture envers la Couronne se
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