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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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corps sans qu’aucun sentiment n’en eût composé le prélude était d’autant plus amère qu’elle l’obligeait, justement, à envier la voracité de Mathilde.
    « Il devrait exister des bordeaux pour femmes !… Je ne pourrai jamais feindre de l’aimer d’amour… C’est au-dessus de mes forces. Et cependant, des forces, il m’en faudra. »
    Il soupira d’ennui et de résignation. Alors que la châtelaine de Montaigny semblait brûler d’impatience, il y avait une étrange équivoque dans son attente de leur première nuit. Il redoutait cette confrontation de leurs ardeurs ; pourtant sa curiosité l’emportait sur l’espèce de répugnance qu’il éprouvait à l’idée de trahir Oriabel. Certes, son esprit et son cœur lui resteraient fidèles. Mais quelles images luxurieuses de leur proche emmêlement Mathilde berçait-elle dans sa songerie présente ? Il ne pouvait nier l’espèce d’attrait que la charnalité alternativement doucereuse et rêche de cette fiancée inattendue exerçait sur ses sens. Il lui supposait des goûts et des ferveurs dont la découverte pourrait amoindrir et même annihiler ses facultés. Henri le hutin avait dû la frapper, la cingler avant que d’en jouir. Ces choses-là existaient. On racontait que Philippe VI meshaignait 9 la male reine avant que de l’enfourcher. On disait aussi que les douceurs exquises de Belle Sagesse 10 l’avaient mis dans un tel état de consomption qu’il en était mort.
    « Je ne périrai point de cette façon-là ! »
    –  Pas vrai ? insista Mathilde sans qu’il eût compris de quoi il retournait.
    – Hum…
    Combien avait-elle eu d’amants ? Sa sensualité tellement avide et affirmée n’avait pu, lors de ses deux veuvages, s’éteindre aussi promptement qu’un feu de paille.
    Elle se leva, tournilla sur les orteils pour le plaisir de se grandir en éployant son velours aux étroites cannelures, et pour qu’il admirât sa taille souple, juvénile ; et cette gorge altière, merveille de chair dont son propre regard se repaissait. Un collier composé de cubes d’ivoire sertis d’or embellissait son cou gracile où battait une veine à peine sinueuse obombrée par l’étoile d’or d’une boucle d’oreille. Ses cheveux flottaient sur ses épaules et ses reins comme un immense capuce noir aux scintillements nacrés.
    – Vous êtes belle, dit-il, la gorge serrée, persuadé qu’elle attendait ce compliment, et qu’un silence, après ce tournoiement, l’eût offensée.
    – Toi aussi tu es beau… C’est pour cela que je te veux à moi devant Dieu.
    N’eût-il pas mieux valu qu’une femme du commun eût argué, pour le délivrer, de cet antique usage du mariage libérateur plutôt qu’une baronne disposant d’une petite compagnie d’hommes d’armes qui pourraient devenir des geôliers ? Que serait pour lui cette incarnation de la Providence ? Une compagne agréable ? Une ribaude énamourée ? Une adversaire ?… Comment vivraient-ils ? Était-elle d’une piété rigoureuse ? Oriabel avait trouvé le châtelet de Montaigny lugubre. L’était-il autant qu’elle le prétendait ? Il réprima un bâillement dans sa gorge. Mathilde le croyait -elle sous son obédience ? Eh bien, il tenterait d’inverser les rôles et de la dominer : «  Për fa un bon toupi  », disait-on à Castelreng et jusqu’au-delà de Carcassonne, «  fâou bë batrë l’arjhêlo (401) . »
    Cherchant certainement à percer ses pensées, Mathilde l’observait avec une acuité sans faiblesse, et, pourtant, c’était une sorte de langueur qui adoucissait l’expression affamée de sa bouche petite et carminée.
    – J’ai appris, hier, tandis que vous gisiez céans, que ces truands auxquels nous avons échappé sont parvenus à se saisir d’Arnaud de Cervole.
    Elle y revenait, et son regard devenait indéchiffrable. Tristan sourit :
    – De même qu’à Poitiers il a trouvé moyen de se faire prendre.
    – Que signifie…
    – Par l’entremise du maréchal d’Audrehem, le trésor royal acquittera sa rançon.
    – Tu ne portes pas cet homme dans ton cœur.
    – Et vous ?
    Le regard retranché sous ses paupières mi-closes, Mathilde s’assit de nouveau. Tandis qu’elle soupesait son collier, elle exhala un soupir :
    – Le jour où il vint m’annoncer la mort d’Henri, il essaya de me… »
    Un doigt où scintillait une grosse escarboucle effaça vivement la brillance d’un œil. Tristan
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