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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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changeraient en traîtrise si Guillonnet de Salbris précédait à Paris le seul prud’homme qui, avant Mathilde, avait tenté de le soustraire au bourreau : Gérard de Thurey, maréchal de Bourgogne.
    – À quoi songes-tu ?
    – En m’épousant, vous vous mésallierez. Je ne suis qu’un hobereau dont le père s’est remarié. Il a un garçonnet de sa seconde femme.
    – Je te croyais chevalier banneret.
    Tristan contint mal un sourire. Il s’était sciemment rabaissé. Il feignit l’étonnement :
    – Banneret 8  !… Cessez de hocher l’encensoir !… À peine bachelier’. Un petit chevalier… Certes, j’ai tenu bannière. Et la plus haute : celle du roi de France, à Poitiers… Fort peu de temps, je l’avoue.
    – As-tu ouï parler d’Henri de Montaigny ?… Tu aurais pu le rencontrer avant que la bataille ne commence.
    – Non… J’étais parmi les piétons le plus souvent possible. C’est vers la fin de nos malheurs que j’ai pu approcher le roi Jean avec André de Chauvigny et Jean, premier du nom, vicomte de Rochechouart dont le fils avait défendu Poitiers contre les Anglais il y a… seize ans.
    – J’ai épousé Henri cinq ans après Crécy. Il était hardi en diable !… Avant que les routiers n’en prennent possession, il avait, depuis longtemps, mestrié Brignais (400) … Un ami lui a survécu et vint m’annoncer son trépas. Tu le connais de renommée. C’est Arnaud de Cervole qu’on appelle surtout l’Archiprêtre.
    « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es », songea Tristan.
    Nul doute qu’Henri de Montaigny avait été un homme à l’âme noire pour s’être acoquiné à l’Archiprêtre.
    – Il a reçu plein cœur un carreau d’arbalète.
    – Ah ! Il avait un cœur.
    – Pourquoi dis-tu cela ?… Et sur ce ton de dérision ?… C’est Panazol, que tu verras à Montaigny – dont il est sénéchal –, qui tira mon époux hors du champ de bataille. Comme tous ceux qui périrent lors de cette déconfiture, Henri est enseveli au couvent des Frères mineurs de Poitiers.
    Panazol… Oriabel haïssait cet homme. Selon elle, tous les soudoyers de Montaigny étaient des malandrins. Comment Mathilde pouvait-elle vivre en pareille accointance et comment lui, Tristan, serait-il accueilli par ces ribauds ? S’ils vouaient à leur châtelaine un culte sans défaillance, ils pourraient détester son nouvel époux. Son titre de mari ne serait qu’usurpé pour des serviteurs de cette espèce. Et certains seraient d’autant plus jaloux de sa position qu’ils l’auraient peut-être convoitée.
    Perplexe, Tristan réunit ses mains sur sa poitrine. La dextre de Mathilde tomba dessus, ouverte à la façon d’une araignée de chair, pendant qu’il commentait morose :
    – Brignais appartenait aux moines de Saint-Just. L’armure de fer contre le froc de bure ; l’épée contr e le crucifix… Au demeurant, votre second époux n’eut aucune gloire à accomplir cette menue conquête d’autant plus qu’il y fut aidé, je le sais, par des nobles des terres d’Empire et du royaume…
    « … aussi cruels et corrompus que lui », songea-t-il en avalant cette conclusion que Mathilde n’eût peut-être pas réfutée.
    – Henri fut contraint de faire amende honorable en chemise et à genoux !
    Elle rit. Elle avait sûrement redouté ce hutin. Il se pouvait qu’elle l’eût haï avant que d’éprouver tout à coup, au tréfonds d’une viduité parvenue à son terme, une certaine admiration pour ce despote et sa sombre renommée.
    – Nous serons heureux, affirma-t-elle avec un frémissement qui lui montait du ventre aux paupières. Tu peux me tutoyer bien que, d’ordinaire, on ne s’y autorise qu’après avoir forniqué ensemble.
    À l’abri de ses cils mouvants, elle avait un air d’abandon et de confiance qu’il eût trouvé délicieux chez Oriabel.
    – Oui, Mathilde, dit-il avec une aisance pénible.
    Il se refusait à anticiper sur les effets d’une lubricité sans doute immodérée. Ce qui le triboulait, c’était le lien nouveau qui en résulterait : Mathilde pouvait s’attacher extrêmement à lui… à moins de vitupérer des étreintes décevantes tout en exigeant ou faisant en sorte qu’il les renouvelât. Il y avait en elle, indicible et inapaisable, une gloutonnerie pour ces choses-là qui, sans trop l’inquiéter, le chagrinait. Son anxiété envers les coucheries dépourvues d’autre motif que de jouir de son
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