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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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– et pour cause –, les mains blanches, déliées, habiles d’Oriabel restaient pour lui d’une beauté sans pareille. Quels lieux hantaient maintenant celle qu’il avait voulue pour épouse ?
    Le visage de Mathilde s’approcha du sien. Hardiment, ses lèvres s’appliquèrent sur sa bouche avec autant de fermeté qu’un sceau dans une cire un peu dure. Il n’osa se défendre, bien que cette façon d’être agressé lui parût indigne d’une dame de qualité à laquelle rien d’autre ne le liait qu’un sentiment d’infinie gratitude. Or, justement, n’était-il pas une cire sur laquelle elle voulait apposer pour toujours son effigie indélébile ? Nul doute qu’une fois devenu son époux, il serait son serviteur. Et dans les draps plus que partout ailleurs. Par ce mariage providentiel, il aliénait moins une volonté qu’une liberté dont ses captivités passées avaient accru le prix.
    – Humm ! fit-elle avec délices en forçant les lèvres d’un gisant qu’elle imaginait peut-être en état de délectation amoureuse. Tu me parais bien niais, mais je t’apprendrai.
    Brusquement levée, elle le considéra comme elle l’eût fait d’un trésor. Ses prunelles scintillantes examinèrent, des épaules aux genoux, le corps de ce fiancé dévolu à sa convoitise comme si elle s’attendait à y découvrir une éminence qui n’existait pas. Allait-elle tirer le drap et la couverture pour juger de l’effet de leur premier baiser ? Non ! Cependant, si elle s’abstenait, ce renoncement lui coûtait. Un repentir léger troublait son espérance. Son regard s’éclaircit et se fît avenant ; son sourire soudainement désinfatué devint presque angélique.
    – Avez-vous bien dormi ?… Vos navrures vous font-elles toujours souffrir ?
    Il cilla des paupières. Ses blessures le cuisaient au moindre mouvement. S’il n’était guère surpris d’avoir pu batailler longuement, atteint comme il l’était au cou, aux bras et aux épaules – « la souffrance s’éteint quand on défend sa vie » –, il s’éton nait d’avoir supporté ensuite, sans défaillir, cette marche infamante de Brignais à Lyon, attaché par les poignets à la queue d’un cheval tandis que Guillonnet de Salbris l’accablait d’invectives et prédisait sa mort avec jubilation. Lui, Castelreng, un traître à la Couronne de France ? Allons donc ! Sans Mathilde de Montaigny, violente, suppliante, et qui l’avait revendiqué pour époux, il se fut consumé sur des braises ardentes.
    – Vous avez forcé l’opinion, dit-il avec une admiration non feinte.
    – Les gens de justice et le clergé se devaient d’observer la coutume. Le peuple les en a loués… Soyez heureux.
    Heureux ? Certes. Mais il demeurait tout de même une victime de la malechance. « Non ! Non ! » se reprocha-t-il, « tu t’égares… Tu vis… Une laideur de Lyonnaise aurait pu te réclamer pour mari… Mathilde est belle encore et c’est ce qui importe. » Cette évidence-là devait être son baume. Pour tout : l’esprit, le cœur et les profondes blessures dont les feux incessants lui ramentevaient 2 les estocades et les taillants auxquels il avait survécu.
    – J’ai dormi sur ce matelas que vous pouvez voir près de la fenêtre. J’avais fait placer un homme devant notre porte.
    – Dans la crainte qu’on me voulût occire… ou que l’envie me prît, en pleine nuit, de fuir en oubliant mon devoir envers vous ?
    Le mot devoir la fît sourciller. C’était pourtant le seul qu’il trouvât convenable.
    – Si telle avait été votre intention, dit-elle, vous n’eussiez pas atteint le bout de la rue… À supposer que vous ayez assommé ce serviteur, deux autres veillaient sur le seuil de cette maison… qui est mienne.
    Oublieuse ou non des douleurs qu’elle aggravait ainsi, elle l’empoigna aux épaules. Il vit ses seins blottis l’un contre l’autre dans la carcaille 3 sciemment évasée d’une robe de velours ciselé, dit de Gênes, et cramoisi. Dessous, il l’eût juré, elle était nue.
    – Je t’aime, Tristan, dit-elle, les paupières soudain basses, le visage pâli, les lèvres avancées sous l’effet d’une gourmandise impatiente. Tu m’as amourée 4 dès que je t’ai vu.
    Elle fleurait le musc et la lavande. Quand leurs bouches se séparèrent, elle se pourlécha d’une langue petite et pointue. Ses yeux noirs s’illuminèrent :
    – J’ai passé à Brignais quelques jours effrayants.
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