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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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s’indigna : elle n’allait tout de même pas convertir d’anciens délits 11 en douleur ressuscitée !
    – Ne pensez-vous pas que c’est accorder trop d’égards à cet homme que d’en parler derechef ?
    Elle acquiesça. Il s’abstiendrait de lui révéler que l’Archiprêtre était un traître, mais il en aviserait le roi et son fils. Bientôt !
    –  Vous êtes d’une nature droite et emportée, chevalier. Toujours la lance en avant !
    Cette image de lui, virile, suggestive, mécontenta Tristan plus qu’une impudicité.
    – Notre mariage ne pourra être qu’un pacte d’alliance.
    – D’amour, Tristan !… D’amour, en vérité. Sitôt que je t’ai vu, j’ai voulu… J’ai voulu…
    La dame dut se taire : on frappait à la porte. Aussitôt, sans qu’il en eût reçu permission, un clerc entra, qui connaissait les êtres. Petit et maigre dans un froc de bure bien ajusté, glabre et sanguin, l’œil vif et la bouche goulue, il devait avoir soixante ans. Son pas pesant faisait crisser les lanières de ses sandales.
    – Mon père ! s’écria Mathilde, un genou fléchi dans une intention pieuse que le moine réprouva d’un recul et d’un geste. Ah ! Je suis bien aise de vous voir… Guérissez mon fiancé ! Dites-moi si je peux l’épouser ce jour d’hui !
    Le religieux tapota la petite croix d’or suspendue à son cou. Il paraissait gêné. Pourtant, toute sa personne, un peu arquée – comme si un fardeau lui tirait les épaules en arrière et lui creusait les reins –, dégageait un air d’invulnérable hautaineté. Il posa sur cette fiancée qu’il semblait bien connaître un regard qui sans doute eût été le même s’il s’était absorbé dans la contemplation d’un feu.
    – C’est Guy de Chauliac, révéla Mathilde à mi-voix. Sans doute en avez -vous ouï parler.
    Tristan acquiesça. Il savait que ce porteur de bure était estimé à la Cour et que les papes en appréciaient sa clergie 12 .
    – Voyons ce malade dont Lyon n’a pas commenter la délivrance.
    Le moine, promptement, abaissa le drap et la couverture. Aussitôt, la dame de Montaigny se pencha et procéda au dénouement des bandes et des charpies en jetant quelquefois de vifs coups d’œil ailleurs.
    – Est-ce vous, ma fille, qui avez fait cela ?
    – Oui, mon père. Hier, après que nous sommes rentrés céans, il s’est pâmé. Je n’ai eu que le temps d’appeler ma servante… Ensemble, nous l’avons dévêtu, alité, nettoyé… Nous avons fait de notre mieux… Il vient seulement de s’éveiller.
    « Hier », songea Tristan, « quand nous sommes entrés, tu m’avais tellement baisé aux lèvres que j’en ai défailli quasiment étouffé !… Tu m’aurais sauté dessus si je n’avais tourné de l’œil. »
    Il regarda le plafond plutôt que ces plaies par où sa vigueur s’en était allée.
    – Vous êtes, dit Guy de Chauliac, d’une complexion solide. Vous avez saigné d’abondance, messire.
    – Il était tout croûteux de sang sec, dit Mathilde.
    – Et je vois que cette navrure à l’épaule, qu’on avait cousue, s’est rouverte… Le fil en est rompu. Je dois ajouter que la sutura en fut bien faite. Une femme seule, et dont la main ne tremble pas…
    Tristan sentit sa gorge se serrer. Cette femme, c’était Oriabel – et Mathilde le savait. Jamais autant que maintenant il n’avait senti la jouvencelle si proche de lui, si parfaitement adaptée à sa vie, ses rêves, ses ambitions. Il la vit se pencher à une archère de leur chambre ou entre deux merlons du donjon de Brignais, touchant parfois la pierre de son front, de sa joue ; rejetant d’un geste tantôt vif, tantôt nonchalant une mèche agaçante, puis se détournant pour lui sourire et lui faire un collier de ses bras tièdes.
    – Il me paraît dangereux, reprit Guy de Chauliac, de replonger une aiguillée dans cette chair fragile. Mieux vaut cautériser au fer.
    – Seigneur ! Soupira Mathilde, les mains jointes et les yeux levés.
    Son horreur était trop intense pour qu’elle fût vraie. En fait, elle s’excitait à l’idée de voir comment son futur époux se comporterait. Elle aimait les sueurs et les gémissements d’où qu’ils vinssent.
    – Il est temps, dit le moine, de remédier à cette mauvaise plaie. Voyez, dame, la chair est brune, corrompue aux commissures…
    – Faites au mieux, dit Tristan. Mais hâtez-vous !
    Tout en continuant de palper la plaie, sans souci des
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