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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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préférant les ténèbres au regard, luisant d’une lourde attention, de sa future épouse.
    Une douleur puissante, épaisse, corripiante jaillit dans son épaule immobile, dépassant en violence tout ce qu’il avait redouté. Ce n’était pas un acier rougeoyant qui s’enfonçait en lui mais une tarière effrayante. Sa chair dévastée brasillait, fumait, empestant la chambre. Il lui sembla que son sang se tarissait tandis qu’il devenait, du cou à la poitrine, une statue de feu. Ses mâchoires, claquèrent et toute sa personne, malgré sa volonté, s’agita en de furieux soubresauts. Un grand soupir enfin gargouilla dans sa gorge. Il sentit la lame se décoller de sa chair dont elle avait extirpé des lambeaux.
    Oublier. Ne pas bouger, c’était moins de souffrance. D’ailleurs, quelqu’un éventait son épaule. Les yeux clos, toujours. Ce n’étaient pas des larmes qui les embuaient ! Et d’ailleurs, si c’était le cas, elles n’exprimaient que le soulagement.
    – Ne l’avez-vous pas trop abîmé ?
    Mathilde parlait de lui comme d’une chose précieuse. Et fragile.
    – Il est vaillant !… Guichard, passez -moi la charpie.
    Se laisser faire. Douceur des linges oints d’une espèce d’huile à l’odeur agréable.
    – C’est un mélange de sauge, lavande, géranium, romarin, camomille, thym… Mais à quoi bon ces détails !
    Ouvrir les yeux sur la calvitie de frère Guichard et la tonsure de Guy de Chauliac, tous deux penchés.
    – Demain, il faudra, dame, enlever tout cela… Il serait bon, ensuite, que cette épaule soit nue… Avez-vous soif ?
    – Plus tard, mon père.
    Tristan suffoquait. La douleur revenait, s’éloignait. Il ne pouvait rien contre le tremblement qui, maintenant, l’agitait.
    – Dès ce soir, vous irez mieux : mon onguent est meilleur que le baume de Fier-à-Bras 13  !
    Dormir, c’était cela l’important. Nul ne parlait, mais il entendait les souffles lents des moines et celui, précipité, de Mathilde. On eût dit qu’elle jouissait.
    – C’est un remède d’une grande horribleté, dit-elle, les genoux fléchis, les bras croisés comme pour s’interdire un geste. Ces chairs embrasées sont répugnantes…
    – De la viande brûlée, dit Guy de Chauliac. Je vais vous donner, ma fille, une crème pour amoindrir la phlegmasie ou, si vous préférez, l’inflammation.
    – Je vous ai demandé, mon père, à mon usage…
    Tristan crut entendre le mot chuchoté : Aphrodis ou quelque chose de la même espèce. Le moine eut un petit rire :
    – C’est vrai, je devais vous préparer une sorte d’hippomane (405) … Je vous promets d’y penser quand la jument de frère Guichard sera dans ses états.
    Toute la peau de Tristan ruisselait. Il avait froid, maintenant que frère Guichard, impatient de s’en aller, l’éventait à grands coups de serviette. Une main qui se voulait suave glissa sur ses reins. Mathilde. Il eût fallu que ce fût Oriabel.
    Des scènes enfiévrèrent la mémoire de Tristan. Celles de trois semaines d’intimité : Oriabel et lui dans leur chambre du donjon de Brignais. Elles étaient rien moins que chastes, ces images d’amours partagées, mais il les trouvait belles, réconfortantes.
    – Buvez ceci, messire, dit Guy de Chauliac.
    Et, plus bas, après un clin d’œil de connivence :
    – Vous allez dormir longuement… Attendez que je vous soulève…
    Se redressant en grimaçant, Tristan saisit la fiole et la vida d’un trait.
    En cet instant, ce qu’il réclamait, c’était davantage l’oubli que la guérison. Avant même que l’élixir eût agi, sa nuque retomba, sur l’oreiller. Il entendit un petit cri. La déception y occupait moins de place que la colère.

II
     
     
     
    Au matin du samedi 9 avril 1362, quand le narcotique de Guy de Chauliac eut cessé son effet, Tristan découvrit à son chevet, disposés sur l’accoudoir et l’agenouilloir d’un prie-Dieu, des vêtements neufs que la châtelaine de Montaigny avait dû chèrement payer. Il y avait là des braies de satanin, des hauts-de-chausses noirs et des bas-de-chausses dont une jambe était grise, l’autre grenat ; un pourpoint d’écarlate safran aux manches en barbes d’écrevisse doublées de soie bleue. Se penchant un peu, il aperçut près du siège une paire de heuses de daim garnies d’éperons d’or. Était-ce une prévenance envers lui ou une précaution par laquelle sa fiancée, lorsqu’elle serait à ses côtés,
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