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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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s’éleva jusqu’aux poutres du plafond. De nouveau il songea : « L’on dirait une herse » et redécouvrit, dans cette vision même, la preuve de sa servitude.
    – Le duc de Bourbon et son fils sont mourants, continua Mathilde. Guy de Chauliac et les autres mires désespèrent de les rendre à la vie… Quelques chevaliers, écuyers et piétons qui purent échapper aux routiers sont revenus à Lyon… Il paraît que Guillonnet de Salbris, que j’ai fait surveiller, a décidé de t’affronter… Il est également très courroucé contre moi. Je ne le crains pas.
    Elle rit. Elle ne devait craindre personne. Pas même Dieu. Elle ajouta pourtant à voix basse, penchée sur son fiancé telle une mère rassurant son fils :
    – Nous serons en sécurité à Montaigny. Je me dois de t’avertir qu’il y a deux ou trois prud’hommes qui te veulent occire. Les autres sont recrus de fatigue et d’effroi. Ils ne les suivront pas s’ils ont l’intention de venir te défier jusque devant mon pont-levis.
    – Un défi quel qu’il soit ne se refuse point.
    – Je ne veux pas te perdre. S’ils viennent, nous ferons les sourds… Panazol leur dira que nous sommes partis.
    – Ainsi, je passerai pour un couard !… Je tiens à me revancher des injures que j’ai subies. Je suis un Castelreng et notre devise…
    Mathilde s’approcha tout en lissant ses cheveux tirés en queue de cheval – une coiffure de manante, mais rehaussée d’une pluie de perles agglutinées à des fils d’or.
    – Comment me trouves-tu ?
    Dans la rue paisible une commère hurla : « Mon poisson ! Mon poisson !… Tout frais ! Tout bon ! » Son cri fut suivi d’un grincement de jantes ferrées sur les pavés, puis ce fut le silence.
    – Je t’ai fait préparer un bain. Tu trouveras de quoi te rère 17 . Ensuite, tu revêtiras cela… Ces vêtements, Tristan, sont-ils à ta convenance ?
    Il acquiesça, songeant qu’il aurait l’air d’un singe habillé.
    – Je me suis fait confectionner en hâte, dans un cendal qui te plaira, une robe de cérémonie… Je n’en suis pas très satisfaite et souhaite qu’un jour les femmes puissent s’habiller chez les femmes… Rien que des femmes. Les hommes manquent de goût et d’imagination 18 … Allons, lève-toi sans hésiter. Je sais tout ce qui fait la nudité d’un mâle… Debout !
    Tristan obéit. Après tout, il l’avait vue nue, à Brignais – sans éprouver le moindre désir de l’étreindre. Et c’était bien ce qui le triboulait.
    *
    Il faisait beau. Traversant obliquement les vitraux, les clartés du dehors transmuées en lances d’argent, de vermillon, de sinople et d’azur, dévalaient, de la nef au transept, sur les murs et le pavement de Saint-Jean. Certaines, de leur pointe émoussée, embrasaient les robes et les attributs des saints immobiles sur leur pied d’estrail, d’autres avivaient l’éclat des boiseries et des tentures. Ces flambées immatérielles suppléaient l’avaricieux luminaire, cependant qu’insensibles à cet éclairement les grandes figures évangéliques somnolaient dans une quiétude où se confondaient, parfois, les bruits de pas de la rue et les battements d’ailes d’un pigeon cherchant à s’évader en semant quelques plumes. Des cintres embrumés par des encens perdus le froid coulait à verse. Les colonnes qui les soutenaient, vigoureuses, noircies par les contacts des mains et des épaules, évoquèrent, pour Tristan, les colosses des forêts qu’il avait traversées tantôt paisible, tantôt le cœur lesté d’une angoisse à laquelle la présence de Tiercelet apportait un précieux réconfort.
    – Viens, dit Mathilde en usant de ce ton qui la lui rendait désagréable sans même qu’il l’eût regardée. J’ai dit au clerc : «  Aucun fidèle  » et je vois qu’il a enfreint cette exigence.
    Le chœur était obscur ; cependant, tout au fond, une espèce d’aurore déployait ses flammes. Une foison de chandelles et de cierges mêlés illuminait la chapelle réservée aux mariés. Cette profusion d’or tremblotant donnait vie aux acanthes et aux lis dont les emmêlements circonscrivaient un Christ à la poitrine ensanglantée.
    – Une merveille, pour toi, pour nous, chuchota Mathilde. Mieux vaut cet embrasement-là que celui d’un bûcher… Souviens-t’en.
    Une merveille, en vérité. Elle était riche. Deux veuvages en dix ans lui avaient permis d’accroître son patrimoine. De son troisième
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