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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour
Autoren: Pierre Naudin
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mariage lui avait déplu, et le marié bien davantage. « Mes… ou plutôt nos témoins ! » Le mot semblait fort, les témoins étant des amis, des familiers que l’on apprécie. Ces soudoyers vêtus de gambisons, chausses et heuses propres, avaient des mines grossières, inquiétantes. Des halle-fessiers, ni plus ni moins. Si leur châtelaine était affamée de caresses, ils semblaient friands de sévices.
    – Viens, Tristan, dit Mathilde. J’ai hâte d’être à toi.
    *
    Dehors, c’était toujours le ciel d’enluminure et le silence tiède, soyeux, d’une rue exempte de passants.
    – C’est un beau jour pour nous, dit Mathilde.
    – Évidemment, reconnut Tristan impuissant à feindre un plaisir aussi capiteux que celui qu’elle affectait.
    Comme il se penchait pour comprendre un chuchotement soudain de son épouse, il surprit une altération dans le dessin de sa bouche. Ces rides en crochet, était-ce un émoi plus profond qu’il ne le supposait qui les révélait à son attention ? Allons donc ! Elle n’avait éprouvé aucun trouble à faire de lui son troisième mari.
    – Un beau jour, répéta-t-il.
    Mais cette affirmation concernait des réminiscences vides, complètement, de Mathilde. Si Oriabel s’était appuyée maintenant contre son épaule, il eût satisfait à ce besoin d’ostentation qui l’avait pénétré dès leur rencontre dans l’auberge d’Eustache. Quelques jours avaient suffi pour qu’il la connût toute : dans ses abandons, ses franchises, ses brèves gaietés, ses terreurs. Mathilde resterait pour lui une étrangère. Quand il ouvrirait les yeux, le matin, dans leur couche attiédie par leurs corps tout proches, mais disjoints, il ne sentirait pas au fond de son cœur et de ses entrailles le doux picotement de milliers d’étincelles.
    – Ah ! La voilà enfin, dit Mathilde.
    Une grande litière amarante surmontée d’un dais à plumes de paon venait de tourner le coin de la rue et s’approchait.
    – Pourquoi sembles-tu ébahi ?
    – À cause des chevaux, dit Tristan.
    Entre les brancards de devant, le premier était blanc cavèce de More ; l’autre, à l’arrière, était un rouan cavecé de noir 20 .
    – On dirait que leur tête ne leur appartient pas.
    – J’aime les étrangetés, dit Mathilde d’une voix vibrante qu’elle assourdit jusqu’à ce qu’elle fût un soupir. Si des lions pouvaient porter cette litière, eh bien, je les y ferais atteler… La dernière singularité que j’aie satisfaite, c’est bien de t’épouser !… On n’a pas fini de gloser sur ce mariage d’une noble dame et d’un malandrin !… J’aime à destourber 21 mes semblables… ! À m’en sentir différente… J’ai la jubilation d’être malhonnête, luxurieuse, perverse… Tout !… Tu apprendras, Tristan, à me connaître…
    Sa violence épuisée, elle rit. Il ne sut si elle se moquait d’elle-même ou d’un ébahissement qui n’existait pas, puisqu’il n’ignorait rien de ce qu’elle croyait lui apprendre. Il haussa les épaules et se fit mal. Devant eux, le conducteur de la litière – un petit vieux glabre, au visage chagrin, vêtu d’une livrée verdâtr e – usait de grâces toutes féminines pour les inviter à monter. Quelque chose d’ardent et de lourd étincela dans les yeux de Mathilde, dardés sur ce nouvel époux dont elle ignorait tout.
    – Pourquoi te composes-tu ce visage ?… Je t’effraye un peu ?… Allons, monte le premier, Itier m’aidera… Monte !… S’il est infamant, pour un chevalier, d’entrer dans une charrette, il peut se jucher dans une litière en compagnie d’une femme qui ne demande qu’à s’y faire mignoter… Pas vrai, Itier ?
    Le serviteur incommodé baissa la tête si vivement et profondément que son chaperon glissa et faillit tomber.
    – Tu regardes à l’entour, Tristan, mon bien-aimé… Tu vois apparaître mes soudoyers à cheval… Peut-être te dis-tu que si quelque coursier passait sans personne dessus, tu sauterais et le monterais à poil… Quelle ânerie, si j’ose dire !
    – Pensez-vous, Mathilde, que la vue d’un cheval me donnerait, maintenant, le désir de l’enfourcher ?
    – Tu as mieux à faire… Sache-le, j’ai dit à mes hommes : «  Défiez-vous de mon époux. Il pourrait avoir envie, au galop et sans moi, de visiter notre beau pays. » Pas vrai, vous ?
    Les soudoyers s’ébaudirent. Cette unanimité dans la gaieté, mais surtout dans la dérision,
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