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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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me font mal… et toutes ces souffrances me rendent différent de ce que je suis.
    D’un regard qui n’avait rien d’énamouré, Mathilde ausculta le visage de son nouvel époux afin d’y découvrir, sans doute, les indices d’une contention qu’il ne maîtrisait point.
    – Je suis et resterai votre dévoué mari.
    – Je préférerais aimant !
    Quelle était sa vie ? Hors de l’amour, par quoi était-elle attirée ? Que faisait-elle en ses journées ? Une tapisserie avec la gravité inséparable des actes superflus ? Après none, sacrifiait-elle au rite de la méridienne ? Le lit, toujours… Était-elle superstitieuse ? Gourmande ? Paresseuse ?… Quelles étaient ses qualités ? La sincérité pouvait constituer son seul mérite. Elle ne lui avait jamais dissimulé, même devant Oriabel, le désir qu’il lui inspirait. Crûment, sitôt que l’occasion lui en avait été fournie, elle avait fait allusion à leur prochaine coucherie. Pourquoi en eût-il eu déplaisance ? Puisqu’il y était tenu et puisque l’aventure pouvait avoir quelque saveur, à défaut de félicité, il la trousserait !
    « Grand bien lui fasse ! »
    –  Voilà, mes enfants… Vous êtes unis devant Dieu… Soyez heureux.
    Il se pouvait qu’une idée de péché troublât l’homme qui, sans plus les regarder, se débarrassait de son étole. Parce qu’il était un clerc. Mais il fallait bien admettre l’évidence : la beauté de Mathilde désarmait le péché ; elle lui insufflait sa vertu et le transcendait en fête sensuelle. Il ne lui déplaisait pas à lui, Tris tan, qu’elle fut hardie en ce domaine ; ce qui l’encharbottait, c’était qu’elle l’obligeât à accomplir des prouesses au-dessus de ses moyens. Un adage en faveur dans l’armée ne prétendait-il pas qu’à trop tenir obliquement sa lance, il advenait qu’on en fût fatigué. «  Crébleu ! Je ne suis plus puceau pour m’émouvoir ainsi ! » Mathilde allait bientôt lui livrer ses secrets. Il se pouvait qu’il l’eût sous sa coupe plutôt que d’être à sa merci.
    – Je serai bien aimant, lui promit-il sans trop oser laisser son regard dans le sien… Mais… nous n’avons même pas reçu la sainte hostie !
    – N’as-tu pas remarqué que ce prêtre me condamnait ? Je veux que tu m’aimes… Je veux que tu me combles… Je veux que tu m’obliges à te demander grâce… Tu comprends ?
    S’il comprenait !
    – Jusqu’au bout… jusqu’au bout, dit-elle entre ses dents, gémissante déjà comme sous une étreinte.
    « Macarel ! » songea-t-il, retrouvant son parler ainsi que des propos appris à la veillée : «  L’aîgo gasta lou vi las carëtos lou cami é la fênno, l’ômé (407) . » Évidemment, il excluait Oriabel des femmes citées en ce proverbe.
    Vivre à Montaigny l’emplissait d’une espèce de crainte. Quel serait son rôle d’homme sinon de chevalier dans cette demeure inconnue ? Obtiendrait-il sans les revendiquer l’aisance et les facultés d’un maître ou serait-il assujetti aux contraintes d’une existence qu’il pressentait morose et quasiment étouffante ? Nulle confidence ne l’avait lié à Mathilde, et réciproquement. Il se devait donc de laisser aller les événements… Attendre… La Providence qui, par l’intervention de cette inconnue, l’avait soustrait à la mort, se manifesterait-elle encore pour le restituer à Oriabel ?… Folie. Plus les jours passeraient, moins il aurait la possibilité de la retrouver. Mais il irait à Castelreng dans l’espérance folle que Tiercelet l’y avait conduite.
    – Tu penses à elle… Pas vrai ?… Allons, viens.
    Mathilde attendait.
    –  Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, exaudi nos. Domine (408) balbutia le prêtre.
    Et s’éloignant à pas de feutre, il désigna, au fond du chœur, une porte entrebâillée : « Par là. » Il se lavait les mains de ce mariage et se les essuierait avec son manuterge !
    – Ce matin, dit Mathilde, j’ai envoyé un chevaucheur à Montaigny. On nous y attend. Nous arriverons au soir et mangerons tête à tête… As-tu toujours mal à ton épaule ?
    – Moins.
    – Tu pourras donc bouger tes bras pour m’embrasser…
    Tristan se détourna. Guillonnet de Salbris s’en allait. Les soudoyers de Mathilde souriaient. Le plus âgé, quarante ans, un barbu qui était borgne, tapotait le pommeau de son épée. Sa bouche grimaçait sous sa moustache épaisse. Aucun doute : ce

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