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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs
Autoren: Michel Zévaco
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Margherita avait découpés.
    La Chiara était préposée aux sauces, condiments, conserves, fruits et pâtisseries.
    Toutes ensemble, dès que le xérès qui couronnait le repas avait été versé, prenaient leurs guitares et chantaient des poésies de la façon de leur maître.
    Il va sans dire que, pour ces solennités gastronomiques, les Arétines revêtaient des costumes dont la somptuosité voilait à peine la légèreté.
    « Peste ! s’écria Bembo en s’asseyant et en jetant un coup d’œil sur la table, je vois, mon cher poète, que vous avez fait des folies de victuailles.
    – Je vous en demande pardon, monseigneur, dit l’Arétin, cette table est au contraire pauvrement servie et l’on ne vous attendait pas.
    – Je vous fais compliment d’une telle pauvreté.
    – C’est que tous les jours l’Arétin dîne chez l’Arétin. Mais attaquons ces langoustes de Corse qui sont, comme vous le savez, les plus savoureuses de la Méditerranée. »
    Autour de la salle à manger, des valets en grande livrée, immobiles, solennels.
    « Allez dire aux antichambres que je ne reçois pas aujourd’hui », dit l’Arétin.
    L’un des valets se détacha et bientôt on entendit sa voix :
    « Les audiences du seigneur Arétin sont terminées pour ce jour.
    – On ne fait pas mieux au palais ducal, dit Bembo.
    – Eh ! monseigneur, l’Arétinal ne vaut-il pas le Ducal à mes yeux, lorsque vous l’honorez de votre présence ?
    – Bravo pour
l’Arétinal ! »
    Pierre s’inclina modestement.
    Le reste du repas fut ainsi un échange de compliments alambiqués.
    L’Arétin récita ensuite des vers. Bembo, qui se piquait de poésie, lui soumit un sonnet que le compère déclara sublime, glorieux comme le soleil et tendre comme la lune.
    Enfin, sur un signe imperceptible de Bembo, l’Arétin ordonna aux valets et aux Arétines de se retirer.
    Alors, le cardinal rapprocha son siège du feu, et l’Arétin vint s’asseoir près de lui.
    La physionomie de Bembo était redevenue sombre.
    « Par tous les diables, s’écria le poète, viens-tu de faire Quatre-temps ? As-tu déjeuné d’une sardine et d’un oignon comme jadis ? Etait-ce de l’eau de puits qui ruisselait de ces flacons ? As-tu été servi par des guenons d’auberge puant la mauvaise cuisine ? Enfin, de quoi te plains-tu, avec ta mine de carême ?
    – Pierre, dit Bembo, ton Arétinal est la plus magnifique auberge qui se puisse concevoir pour héberger un roi. Donne-moi une plume, de l’encre, du papier… Il faut que je paye mon écot royalement.
    – Voici ! » fit l’Arétin en apportant avec empressement les objets demandés qu’il prit sur un dressoir.
    Car, dans toutes les pièces du palais, l’Arétin voulait toujours avoir sous la main ce qu’il appelait ses armes de bataille.
    Bembo écrivit :
    De par Son Excellence le doge, plaise au trésorier ducal de payer à Pierre d’Arezzo, poète et scribe, quatre mille écus à valoir sur le crédit qui m’est ouvert à moi, Bembo, cardinal-évêque de Venise.
    Il signa et tendit le papier à l’Arétin qui ouvrit des yeux ébahis.
    « Or çà, tu as donc vraiment un crédit sur la caisse ducale ?
    – Il y paraît. »
    L’Arétin serra dans son pourpoint le précieux papier, et murmura :
    « Reste à cinq mille.
    – Que tu toucheras quand tu auras gagné ces quatre. Je paie toujours d’avance, moi.
    – Per bacco, ce n’est pas comme moi ! Mais voyons, que dois-je faire pour avoir honnêtement gagné la rutilante signature ?
    – Je vais te le dire.
    – Il ne s’agit pas de ton Roland Candiano, n’est-ce pas ?
    – Non, il s’agit de tes Arétines.
    – Ah ! ah !… Est-ce que tu me les achètes ? s’écria Pierre, non sans inquiétude.
    – Au contraire. Je veux que tu les conserves.
    – Tu me rassures. C’est que, vois-tu, je ne les céderais ni pour or ni pour argent. Elles sont dressées. Elles comprennent mon petit doigt qui remue, mes yeux s’ils s’ouvrent ou se ferment ; ma façon de marcher leur indique ce que je veux, et un seul de mes jurons est pour elles tout un discours à la Cicéron.
    – Et, dis-moi, sont-elles farouches, tes Arétines ? »
    L’Arétin ouvrit de grands yeux.
    « Que veux-tu dire ?
    – Ceci : puisque tu les as si bien dressées, tu as dû leur apprendre à tout entendre et à tout comprendre ?
    – Elles entendent tout sans faire semblant de rougir, c’est vrai. Ce ne sont pas de ces
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