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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs
Autoren: Michel Zévaco
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lui rongeait la poitrine.
    Bianca !… s’en aller, fuir à Rome, sans Bianca, vivre sans elle, vivre avec cette odieuse pensée qu’un autre la possédait, qu’un autre l’enlaçait de ses bras et la dévorait de ses baisers !…
    Dès lors, l’image de Sandrigo remplaça l’image de Roland dans les évolutions de ses pensées. L’autre face du problème de sa vie l’absorba tout entier, et il se mit à préciser le plan qu’il avait ébauché depuis quelques jours pour que Bianca fût à lui.
    C’est ce plan que nous allons voir se développer.
    Bembo finit par se coucher plus calme, plus sûr de lui.
    Le lendemain matin, vers dix heures, il courut au palais de l’Arétin.
    Ce matin-là, maître Pierre Arétin s’était levé de bonne heure et s’était rendu au palais ducal où il s’était présenté pour toucher les mille écus que le cardinal lui avait promis.
    A son grand étonnement, à peine eut-il dit son nom au trésorier que celui-ci, avec un sourire empressé, lui compta les mille écus. L’Arétin s’en retourna tout joyeux.
    « C’est tout de même vrai, grogna-t-il en comptant sur une table les pièces blanches. Voilà bien les mille écus, pas un de moins… pas un de plus, dois-je ajouter pour être juste. Ce Bembo est un grand homme. Aurait-il vraiment la clef des trésors ? En ce cas, les neuf mille que je dois toucher encore seront bientôt dans mes coffres. »
    Et se tournant vers les Arétines, qui, essaim de papillons, étaient accourues autour des piles d’écus comme autour d’une lumière :
    « Vous autres, écoutez-moi bien. Lorsque Mgr Bembo me fera l’honneur de me rendre visite, j’entends que vous lui fassiez bon visage, comme à un digne et généreux seigneur qu’il est. Grâce à lui, je suis plus d’à moitié consolé de la mort de mon illustre ami Jean de Médicis, que Dieu ait pitié de sa belle âme ! Et je ne doute pas qu’avant peu le restant de la consolation ne vienne me trouver. Donc, lorsque ce cher cardinal paraîtra en ces lieux, qu’on sourie, qu’on prenne les guitares, qu’on revête les plus belles écharpes, qu’on se rue en cuisine, car le cher homme ne déteste pas plus que moi les fins morceaux, quelque belle langouste femelle, quelque tranche de venaison à point. Je pense que vous m’avez entendu, toutes ! Si j’en prends encore une à détourner la tête avec dégoût, je l’étrangle avec ses propres cheveux. Par tous les diables, qu’a donc Bembo, après tout, à exciter ces airs de pies déplumées qu’il vous plaît de prendre en sa présence ? A peine l’annonce-t-on que vous fuyez, telle une couvée de pintades. Il me paraît beau à moi, et je veux qu’on le trouve beau, qu’on le cajole et qu’il entre ici parmi vos sourires, comme Phébus lui-même parmi des rayons joyeux.
    – Cher seigneur, répondit Margherita, j’aime mieux faire ma risette aux pourceaux que l’on conduit au marché.
    – Oui, Pocofila, tonna Pierre, chacun sait que tes goûts vont aux groins qui grouinent plutôt qu’aux bouches qui parlent d’or.
    – Bembo ne parle pas d’or, observa Chiara ; sa voix seule me donne la colique.
    – Puisses-tu en avoir une colique telle qu’il faille t’ouvrir le ventre pour te l’extirper avec des tenailles rougies au feu !
    – Il est laid comme un singe ! dit Paola.
    – Tais-toi, guenon. N’injurie pas ton portrait.
    – Il me fait peur, susurra Perina de sa voix douce.
    – C’est toi qui fais peur aux miroirs, avec tes yeux verts de chatte enragée ! »
    Inutile de dire que chacune des ripostes de l’Arétin ramenait un joli cri d’horreur aussitôt suivi d’un déluge de larmes.
    « Ohimé ! tonitrua l’Arétin. L’infernale musique ! ô saints du paradis ! ô diables rouges de messire Satanas ! Qui me délivrera de ces misérables coquines qui vont me changer tout mon sang en bile ? Silence, pendardes ! silence, ou je vous conduis toutes ensemble à l’église, et vous condamne à vous confesser à Bembo ! »
    La menace produisit son effet. Il y eut un silence général.
    Pierre Arétin en profita pour continuer :
    « A quoi êtes-vous bonnes, pendardes, si vous ne m’aidez à gagner honnêtement ma vie et la vôtre en recevant avec honneur les dignes amis qui m’assurent la pitance pendant les mauvais jours ! Par la vertu de ma mère, tout va de mal en pis. J’ai insulté le roi de France, et il ne m’a fait tenir qu’une pauvre chaîne,
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