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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs
Autoren: Michel Zévaco
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m’épouvante.
    – Ainsi, tu veux aller à Venise ? Rien ne pourrait te faire changer d’idée ?
    – Rien, monseigneur… J’irai. »
    Ses doux yeux bruns s’éclairaient d’une étrange flamme.
    A coup sûr, à ce moment, elle était dans l’état d’âme des premières martyres qui, loin de redouter le supplice, allaient à la mort avec une sorte d’ardeur enthousiaste.
    « Pauvre victime ! murmura Roland. Soit, ajouta-t-il, tu es libre, Juana. Mais tu te souviendras toujours que tes deux frères songent à toi. Et si tu as besoin d’un sacrifice, si l’heure vient où, blessée en ton cœur, ne sachant plus où reposer ta tête meurtrie, tu sens le désespoir t’envahir, tu te rappelleras que c’est sur mon sein fraternel que tu pourras chercher un refuge… »
    Les dents serrées pour ne pas éclater en sanglots, Juana fit un signe de tête.
    « Tu connais la maison Dandolo, en l’île d’Olivolo ? reprit Roland.
    – Oui…
    – C’est là qu’à toute heure, de jour ou de nuit, tu pourras nous retrouver. Ou du moins il y aura toujours là quelqu’un pour nous prévenir. Tu m’as bien compris, ma sœur ?
    – Oui, monseigneur.
    – Bien… Maintenant, quand veux-tu partir ?
    – Tout de suite.
    – Tout de suite ! Comment ! Laisse-moi au moins te préparer…
    – J’ai tout prévu, monseigneur. Il y a trois jours, qu’après de longues discussions avec moi-même, j’ai arrêté mon projet. Et il y a trois jours qu’une voiture m’attend à la prochaine auberge pour me transporter au bord de la lagune. Là, je m’embarquerai dans la gondole publique qui fait le service de Venise. Oh ! ajouta-t-elle fébrilement, il n’y a pas un moment à perdre. Peut-être y en a-t-il trop de perdus… Adieu, monseigneur ; adieu, Scalabrino. »
    Le géant étreignit Juana en grondant de sourdes imprécations.
    Roland la serra à son tour dans ses bras.
    Alors Juana se dirigea lentement vers le vieux Candiano.
    Elle s’agenouilla et murmura :
    « Vous que j’aimais, vous qu’aima jadis la morte que mon cœur révère, pardonnez-moi de m’éloigner de vous. L’âme de celle qui m’appela sa fille en me bénissant, si elle palpite autour de nous, comprend mon âme et sait quels déchirements j’ai soufferts pour me décider… »
    Fût-ce un geste volontaire ?
    Fût-ce quelque vague expression d’une pensée de fou ?
    Les bras du vieillard s’étendirent et ses mains maigres se posèrent sur la tête de Juana comme pour une bénédiction.
    Alors, elle se releva et s’éloigna, en faisant un dernier signe à Roland et à Scalabrino.
    Un instant plus tard, elle avait franchi le jardin et disparaissait sur la route. Pendant de longues minutes, les deux hommes demeurèrent silencieux.
    Un mouvement que fit l’aveugle rappela l’attention de son fils.
    Roland se tourna vers lui.
    Au même moment Scalabrino lui désignait d’un geste le vieillard comme pour lui demander à quelle résolution il s’arrêtait.
    « Monseigneur, dit-il, si vous le voulez, je me charge de conduire le vieux doge à la Grotte Noire. »
    Roland secoua la tête.
    « Monseigneur, fit Scalabrino, se méprenant sur la signification de ce geste, je vous affirme que votre père sera en parfaite sûreté à la Grotte Noire. Ce qui est arrivé pour l’enlèvement de Bembo a mis les chefs en garde. Nous avons toujours, maintenant, une réserve d’hommes à la Grotte, et vous savez combien elle est facile à défendre.
    – Mon père viendra à Venise, dit Roland.
    – A Venise !…
    – Prépare-toi. Frète dans Mestre une voiture quelconque pour nous transporter tous les trois.
    – Et nos chevaux ?
    – Tu les laisseras au relais. Nous partirons de façon à rentrer dans Venise à la nuit tombante. »
    Scalabrino s’éloigna rapidement.
    Une heure après, il revenait avec une sorte de carriole que conduisait un paysan.
    Roland calcula l’heure du départ sur le moment indiqué pour arriver à Venise. Quand cette heure fut venue, il fit monter son père dans la voiture.
    Le vieillard n’opposa aucune résistance. Il se contenta de demander :
    « Où me conduit-on ? »
    Roland eut une lueur d’espoir et répondit :
    « A Venise, père ! A Venise, entendez-vous ? A Venise où vous avez régné, où vous avez habité le palais ducal avec votre femme Silvia et votre fils Roland. »
    Mais le vieillard esquissa un geste indifférent.
    « Venise ! dit-il. J’ai entendu dire que
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