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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista
Autoren: Maurice Denuzière
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établi qu'avec la collaboration active de lady Lamia Cornfield, propriétaire de Buena Vista. Désormais se trouve rompu le dangereux isolement des habitants de son îlot, qui, en cas de cataclysme, trouveront tous à Soledad refuge et réconfort.
     
    Tandis qu'on en venait aux congratulations, Charles prit Carver à part.
     
    – Lord Simon, parlant de sa sœur, a dit « propriétaire de Buena Vista », alors qu'il m'a dix fois répété que Soledad et l'îlot ne font qu'une seule et même propriété lui appartenant…
     
    – Cher ami, il y a quelques semaines, peut-être en prévision de ce jour, peut-être parce qu'il craint qu'après sa mort les droits de Lamia ne soient pas reconnus, il a convoqué son notaire de Nassau et a fait complète donation à sa sœur de Buena Vista. Mais elle vient seulement de l'apprendre, d'où la mine stupéfaite que vous lui voyez !
     
    Le baronet avait souhaité que l'inauguration du pont tant désiré fût une fête pour toute la population.
     
    Au soir de la cérémonie, les Arawak organisèrent, du sud au nord de l'île, danses et chants devant des buffets approvisionnés, sur ordre du lord, par le personnel de Cornfield Manor. On vit de graves fonctionnaires anglais, des membres du gouvernement et leurs épouses participer aux rondes des insulaires, rire et chanter avec eux, ce qu'ils n'eussent jamais osé faire à Nassau, où les communautés indienne, noire et mulâtre observaient une stricte ségrégation.
     
    Après les réjouissances rustiques vinrent celles prévues à Cornfield Manor : une réception, suivie d'un bal dans le grand hall du manoir débarrassé de ses tapis et de ses meubles.
     
    Rentrant chez lui dans le Cornfieldshire pour passer sa tenue de soirée, les cartons d'invitation exigeant «  tail coat and white tie  », Charles fit la route dans la voiture du major Carver.
     
    – Ce soir, dit Edward, vous aurez besoin d'une cavalière. J'ai pensé que la fille aînée du pasteur Russell conviendrait, car…
     
    – J'ai ce qu'il me faut, major, coupa Charles.
     
    – Si c'est la personne dont on dit qu'elle vous tient assidûment compagnie de jour comme de nuit à Pink Bay, vous n'aurez pas le front de la conduire à Cornfield Manor, dit Carver, alarmé.
     
    – C'est cependant mon intention. Il faut que l'on sorte un jour, pour ce qui concerne cette personne, de l'ignorance feinte et hypocrite que trop de gens entretiennent depuis trop d'années, sir Edward.
     
    – Vous allez causer un scandale. Ce n'est pas le jour ! fit sèchement le major.
     
    – Surtout, n'allez pas mettre en garde votre ami Simon. Je veux lui faire la surprise, exigea Charles, catégorique.
     
    – La surprise ne sera guère appréciée et vous risquez de compromettre votre avenir à Soledad, menaça Carver.
     
    – Ma mission est ici terminée. Le pont est en place. Je puis avoir, demain, un emploi d'ingénieur chez Keystone Bridges Works, à Pittsburgh, et la filleule de lady Lamia est prête à me suivre. Vous comprendrez donc que je me soucie comme d'une guigne de la réaction de lord Simon. Je suis un homme libre, major, conclut Charles quand la voiture s'arrêta devant sa maison.
     
    Edward Carver ignorait qu'Ounca Lou y attendait son amant. La jeune femme avait assisté, au milieu de la foule, à l'inauguration du pont et, sitôt la cérémonie achevée, Timbo l'avait transportée, à bord du dog-cart, au bungalow du Cornfieldshire. L'ingénieur la trouva déjà prête, vêtue d'une robe en lamé de soie céladon à grand décolleté carré, extraite de la garde-robe de sa marraine. Cette toilette mettait en valeur son buste arrogant et sa carnation ambrée. Sa coiffure, cheveux en torsades rassemblés en chignon sur le haut de la nuque, affirmait l'ovale du visage et la finesse du cou. Elle portait pour tous bijoux un collier de dents de requin et, au poignet, un bracelet fait d'éclats de nacre enlevés à des coquillages.
     
    Tout avait été organisé par Fish Lady et, tandis que Charles s'habillait, Timbo vint annoncer que le commandant Colson et son épouse prendraient le couple au passage dans leur landau afin de le conduire au manoir.
     
    – Ils sont donc dans le secret, s'étonna Desteyrac.
     
    – Marraine a pensé que nous ne pouvions pas arriver à Cornfield Manor dans votre carriole, expliqua Ounca Lou en enfilant de longs gants blancs offerts par Fish Lady.
     
    Un peu plus tard, quand la voiture, roulant vers le manoir,
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