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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne
Autoren: Marie Bourassa
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d’introspection. Il le regretta tout de suite : les yeux de l’homme parcoururent un vaste espace intérieur et ne se posèrent sur rien. Antoine pensa que le bourreau aurait eu le même regard s’il avait cherché dans une lande morne un arbre, un seul, sur les branches duquel un oiseau aurait pu se percher. Louis se ressaisit et dit :
    — Je ne sais pas.
    — C’est l’amour, Louis. L’amour.
    — Oh, foutaise !
    Antoine éclata de rire.
    — Je me trompais : tu n’as peut-être pas tant changé que cela, après tout. J’ai toujours raffolé de ton franc-parler. Quoi qu’il en soit de ta perception de l’amour, tu es le bienvenu parmi nous. Tu résideras à l’hôtellerie en attendant les délibérations du chapitre sur ce qu’il convient de faire.
    Ils n’eurent pas à attendre longtemps.
    Louis eut maille à partir avec l’esprit des lieux et avec les nombreuses questions que lui posaient les moines. Il se trouva subitement incapable de supporter que l’abbé tente de se rapprocher de lui avec sa compassion. Leur sollicitude lui portait sur les nerfs. Le quatrième jour, il trouva une cellule vide dans l’aile des novices et s’y barricada. Nul ne parvint à l’en extraire.
    Le géant demeura prostré dans cette cellule qui lui devint aussi hostile qu’une geôle. L’abbaye n’était plus un refuge, mais une sépulture. Il ne pouvait souffrir ceux qui tentaient d’établir un contact avec lui – dont Pierre et Lambert ; il haït même celui qui lui apportait deux repas quotidiens, et les jeunes postulants qui jouaient devant sa fenêtre. Les démonstrations de joie lui faisaient peur.
    Au bout d’une semaine et demie, Louis n’en put plus. À la nuit tombée, il cambriola l’étude de l’abbé et s’enfuit une fois encore en grimpant parmi les lierres dépouillés qui sinuaient contre les pierres de la muraille. Aucun moine ne sut jamais que l’abbé l’avait pris sur le fait et l’avait laissé partir avec davantage d’objets qu’il n’en avait apportés.
    *
    Rue Gît-le-Cœur, la boulangerie somnolait dans son écrin de brume comme un gros bijou. Les volets de l’ouvroir étaient fermés depuis peu et il croyait deviner, sur le côté de la maison, la vague lueur d’un feu allumé dans la pièce à vivre qui se trouvait à l’arrière.
    Toute la journée, il les avait épiés sans se résoudre à se montrer. Il avait retardé ce moment le plus possible, se donnant comme prétexte d’avoir à recoudre son habit, une tâche qui ne lui avait en fait demandé qu’une demi-heure. C’était maintenant ou jamais. Il tenta de se persuader que cette visite était nécessaire, puisqu’il était porteur d’un message pour eux.
    La grille qui menait à la cour n’était pas encore fermée. Il entra. Une lanterne était suspendue à la hauteur de ses yeux au même crochet qu’il avait connu dans son enfance. Le crochet avait rouillé et il n’était plus aussi haut. La cour semblait avoir rapetissé. Louis cogna à la porte. Ce fut Hugues qui ouvrit.
    — Salut, dit Louis.
    — Salut bien.
    Les deux hommes se firent face en silence. Si Hugues était surpris ou avait peur, il se garda bien de le montrer. Cela réconforta quelque peu le bourreau, qui dit :
    — Puis-je entrer ?
    — Oui, bien sûr. On s’apprêtait à souper. Joins-toi à nous.
    — Merci, mais je ne fais que passer.
    — Clémence, rajoute une écuelle. Nous avons de la visite.
    — D’accord. Qui c’est ?
    Un silence de plomb s’imposa de lui-même à la table autour de laquelle la famille avait déjà pris place. Desdémone était là. Clémence, distraite par le service, gardait le dos tourné. Trois enfants dévisageaient le géant. Louis en fut intimidé. Il enleva son chaperon. Il s’avança vers la jeune femme, qui se retourna enfin et lui échappa son écuelle encore vide sur un pied. Haletante, elle porta la main à sa bouche. Louis dit :
    — J’ai à te parler. Je m’en vais t’attendre dehors.
    Il se détourna sans un regard pour ceux qui étaient attablés et sortit dans la cour.
    Hugues demanda :
    — Veux-tu que j’y aille avec toi ?
    — Qui est-ce, Mère ? demanda une fillette qui, revenue de sa surprise, avait profité de la diversion pour tremper sa main entière dans le pot de miel.
    Clémence ne l’entendit pas. Elle répondit à Hugues :
    — Non. Je ne crois pas que cela lui plairait puisque c’est à moi seule qu’il désire parler.
    — S’il
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