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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne
Autoren: Marie Bourassa
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scintillement des prunelles sombres, mais elle n’en fut pas sûre, car il s’était à nouveau retourné vers elle et l’avait empoignée par sa robe de futaine élimée.
    — Vas-tu t’en aller ! dit-il en la lâchant et en dégainant son épée. Vite ! Vite, sinon je t’ouvre le ventre !
    Pendant ce temps, le visage rougeaud et inquiet d’un vieux moine était brièvement apparu à la porte d’un réduit. Desdémone prit Tonnerre par la bride et, sans quitter le bourreau des yeux, se hâta de s’éloigner en trébuchant avec l’attelage.
    Un cavalier s’approcha et appela :
    — Holà, Baillehache !
    Louis tourna la tête.
    — On vous a cherché jusqu’à Caen. Mais, bon sang, où étiez-vous passé ?
    — Qu’est-ce qu’on me veut, encore ?
    — Un message pour vous. De la part du gouverneur Friquet de Fricamp…
    Le cavalier jeta une lettre à ses pieds. Le cachet était décoré d’une fleur de lys. Il dit encore :
    –… et du roi de Navarre qui, cet été, a quitté Paris et a, par conséquent, perdu son titre de capitaine. Il vous accorde audience à Saint-Sauveur, allez savoir pourquoi.
    — Je n’ai rien demandé.
    Le messager haussa les épaules avec indifférence.
    — Puisque vous le dites.
    Il tourna bride et s’en alla. Louis se pencha et ramassa la lettre demeurée scellée. Il ne l’ouvrit pas. Il se retourna vivement vers la grille et se mit à cogner dessus avec le plat de son épée. Cela produisit d’assourdissantes étincelles. Des moines, attirés par tout ce bruit, commençaient à se rassembler dans la cour. Louis crut reconnaître le frère Lambert parmi eux. Son visage qui était fait pour le rire exprimait un étonnement curieux.
    — Mais ouvrez-moi cette saleté de grille, merde ! Je demande asile. Augustin ! Ouvre-moi ça tout de suite ou j’entre de force et je te fais sauter la tête !
    « Il demande asile, lui ? » pensa le vieux religieux qui rassembla tout son courage et claudiqua jusqu’au visiteur, avec à la main un demi-flacon de vin de cassis. À regret, il déverrouilla la grille qui le séparait du sinistre personnage. Louis poussa le vantail et s’avança dans la cour. Le moine se jeta de côté aussi vite que le lui permettaient ses vieilles jambes, ses prunelles, rendues opaques par les cataractes, fixées sur l’arme que l’homme avait à la main. Nul autre que l’abbé n’aurait osé lui dire que l’on ne brandissait pas d’armes dans une maison où régnait la paix. Louis finit par se ressaisir de lui-même et rengaina son épée. Il demanda, d’un ton plus calme :
    — Est-ce que le père Bernard est encore ici ?
    — Ou-oui…, messire, mais…
    — Il est toujours le maître des postulants ?
    — Oui, il l’est, mais…
    — Je veux le voir. Conduisez-moi à lui.
    — C’est que… je… il…
    — Quoi ?
    — Non, rien. Par ici, je vous prie.
    — Attendez. La grille, dit Louis, dont le voussoiement sembla quelque peu rassurer le religieux.
    — Oh, c’est vrai… merci bien, dit le frère Augustin, qui se hâta de refermer et de verrouiller la grille.
    Après quoi, il prit les devants sur ses petites jambes tremblantes et dit :
    — Veuillez me suivre.
    Le moine ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la reconnaissance due au fait que c’était au père Bernard, et non à lui, qu’allait échoir la responsabilité de s’occuper de ce terrifiant individu. Cependant, il songea qu’avant de retourner à son poste, il allait être bon de faire un détour par la maisonnette de l’abbé afin de le prévenir de cette visite pour le moins inhabituelle. Les deux hommes marchèrent en silence, l’un derrière l’autre, le long de plusieurs corridors impeccables. Ils dépassèrent le parloir. Augustin s’arrêta à une porte et cogna.
    —  Ave, dit une voix chevrotante de l’autre côté. Augustin se tourna vers Louis et lui dit :
    — Attendez ici, je vous prie.
    Le religieux pénétra seul dans ce qui avait l’air d’une étude. Louis entendit la même vieille voix demander, intriguée :
    — Eh bien, frère Augustin, que se passe-t-il ?
    Puis plus rien. Le colosse se mit à marcher fébrilement de long en large, les mains derrière le dos, angoissé plus que de raison par les murs et les portes fermées. Il n’entendit pas le peu qu’Augustin put dire.
    — Il y a là quelqu’un… un bourrel*, je crois, qui demande à vous voir.
    — Un bourrel* ? Tu en es sûr, frère ?
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