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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion
Autoren: Maurice Druon
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chrétien et très vaillant, digne
en tout de nous gouverner et conduire, Monseigneur Philippe, comte de Valois,
d’Anjou et du Maine.
    Le prince très vaillant et très
chrétien, les oreilles bourdonnantes d’émotion, ne savait quelle attitude
prendre. Baisser son grand nez d’un air modeste, c’eût été montrer qu’il
doutait de lui-même et de son droit à régner. Se redresser d’un air arrogant et
orgueilleux eût pu indisposer les pairs. Il choisit de demeurer figé, les
traits immobiles, le regard fixé sur les bottes dorées du cadavre.
    — Que chacun se recueille en sa
conscience, acheva l’archevêque de Reims, et exprime son conseil pour le bien
de tous.
    Monseigneur Adam Orleton était déjà
debout.
    — Ma conscience est recueillie,
dit-il. Je viens ici porter parole pour le roi d’Angleterre, duc de Guyenne.
    Il avait l’expérience de ce genre
d’assemblées où tout est préparé en sous-main et où chacun pourtant hésite à
faire la première intervention. Il se hâtait de prendre cet avantage.
    — Au nom de mon maître,
poursuivit-il, j’ai à déclarer que la plus proche parente du feu roi Charles de
France est la reine Isabelle, sa sœur, et que la régence, de ce fait, doit à
elle revenir.
    À l’exception de Robert d’Artois qui
s’attendait bien à quelque coup de cette sorte, les assistants marquèrent un
temps de stupéfaction. Nul n’avait songé à la reine Isabelle durant les
tractations préliminaires, nul n’avait envisagé une minute qu’elle pût émettre
la moindre prétention. On l’avait oubliée, tout bonnement. Et voilà qu’elle
surgissait de ses brumes nordiques, par la voix d’un petit évêque en bonnet
fourré. Avait-elle vraiment des droits ? On s’interrogeait du regard, on
se consultait. Oui, de toute évidence, et si l’on s’en tenait aux strictes
considérations de lignage, elle possédait des droits ; mais il semblait
dément qu’elle en voulût faire usage.
    Cinq minutes plus tard, le Conseil
était en pleine confusion. Tout le monde parlait à la fois et le ton des voix
montait, sans égard pour la présence du mort.
    Le roi d’Angleterre, duc de Guyenne,
en la personne de son ambassadeur, avait-il oublié que les femmes ne pouvaient
régner en France, selon la coutume deux fois confirmée par les pairs dans les
récentes années ?
    — N’est-ce point vrai, ma
tante ? lança méchamment Robert d’Artois, rappelant à Mahaut le temps où
ils s’étaient si fort opposés sur cette loi de succession établie pour
favoriser Philippe le Long, gendre de la comtesse.
    Non, Monseigneur Orleton n’avait
rien oublié ; particulièrement, il n’avait pas oublié que le duc de
Guyenne ne se trouvait ni présent ni représenté – sans doute parce qu’à
dessein averti trop tard – aux réunions des pairs où s’était décidée très
arbitrairement l’extension de la loi dite salique au droit royal, laquelle
extension, par voie de conséquence, le duc n’avait jamais ratifiée.
    Orleton ne possédait pas la belle
éloquence onctueuse de Monseigneur Guillaume de Trye ; il parlait un
français un peu rocailleux avec des tournures archaïques qui pouvaient prêter à
sourire. Mais en revanche, il avait une grande habileté à la controverse
juridique, et ses réponses venaient vite.
    Messire Miles de Noyers, conseiller
de quatre règnes et le principal rédacteur, sinon même l’inventeur, de la loi
salique, lui porta la réplique.
    Puisque le roi Édouard II avait
rendu l’hommage au roi Philippe le Long, on devait admettre qu’il avait reconnu
celui-ci pour légitime et ratifié implicitement le règlement de succession.
    Orleton ne l’entendait pas de cette
oreille. Que nenni, messire ! En rendant l’hommage, Édouard II avait
confirmé seulement que le duché guyennais était vassal de la couronne de
France, ce que personne ne songeait à nier, encore que les limites de cette vassalité
restassent, depuis cent et des ans, à préciser. Mais l’hommage ne valait point
pour la loi du trône. Et d’abord, de quoi disputait-on, de la régence ou de la
couronne ?
    — Des deux, des deux ensemble,
intervint l’évêque Jean de Marigny. Car justement l’a dit Monseigneur de
Trye : sagesse veut de prévoir ; et nous ne devons point nous exposer
dans deux mois à affronter le même débat.
    Mahaut d’Artois cherchait son
souffle. Ah ! qu’elle était fâchée du malaise qu’elle éprouvait, et de
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