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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion
Autoren: Maurice Druon
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ce
bruissement dans la tête qui l’empêchait de penser clairement. Rien ne lui
convenait de tout ce qu’on disait. Elle était hostile à Philippe de Valois
parce que soutenir Valois c’était soutenir Robert ; elle était hostile à
Isabelle par vieille haine, parce que Isabelle, autrefois, avait dénoncé ses
filles. Elle intervint, avec une mesure de retard.
    — Si la couronne à femme
pouvait aller, ce ne serait point à votre reine, messire évêque, mais à nulle
autre qu’à Madame Jeanne la Petite, et la régence à exercer devrait l’être par
son époux que voici, Monseigneur d’Évreux, ou son oncle qui est à mon côté, le
duc Eudes.
    Quelque flottement fut perceptible
du côté du duc de Bourgogne, du comte de Flandre, des évêques de Laon et de
Noyon, et jusque dans l’attitude du jeune comte d’Évreux.
    On eût dit que la couronne était en
suspens entre sol et voûte, incertaine du point de sa chute, et que plusieurs
têtes se tendaient.
    Philippe de Valois avait depuis
longtemps abandonné sa noble immobilité et s’adressait par signes à son cousin
d’Artois. Celui-ci se leva.
    — Allons ! s’écria-t-il,
il paraît qu’en ce jour chacun s’empresse à se renier. Je vois Madame Mahaut,
ma bien-aimée tante, toute prête à reconnaître à Madame de Navarre…
    Et il appuya sur le mot
« Navarre » en regardant Philippe d’Évreux pour lui rappeler leur
accord.
    — … les droits précisément
qu’elle lui contesta naguère. Je vois le noble évêque d’Angleterre se réclamer
des actes d’un roi qu’il s’est occupé à déchasser du trône pour faiblesse,
incurie et trahison… Voyons, messire Orleton ! On ne peut refaire une loi
à chaque occasion de l’appliquer, et au gré de chaque partie. Une fois elle
sert l’un, une fois elle sert l’autre. Nous aimons et respectons Madame
Isabelle, notre parente, que nous sommes quelques-uns ici à avoir aidée et
servie. Mais sa requête, pour laquelle vous avez bien plaidé, semble
irrecevable. N’est-ce point votre conseil, Messeigneurs ? acheva-t-il en
prenant les pairs à témoins.
    Des approbations nombreuses lui
répondirent, les plus chaleureuses venant du duc de Bourbon, du comte de Blois,
des pairs-évêques de Reims et de Beauvais.
    Mais Orleton n’avait pas usé toutes
ses lames. Si même on admettait, pour ne point revenir sur une loi appliquée,
que les femmes ne pussent régner en France, alors ce n’était pas au nom de la
reine Isabelle, mais au nom de son fils, le roi Édouard III, seul
descendant mâle de la lignée directe, qu’il élevait sa réclamation.
    — Mais si femme ne peut régner,
à plus forte raison ne peut-elle transmettre ! dit Philippe de Valois.
    — Et pourquoi,
Monseigneur ? Les rois en France ne naissent donc point de femme ?
    Cette riposte amena un sourire sur
quelques visages. Le grand Philippe se trouvait cloué. Après tout il n’avait
pas tort, le petit évêque anglais ! La fameuse coutume invoquée à la succession
de Louis X était muette là-dessus. Et, en bonne logique, puisque trois
frères à la suite avaient régné, sans produire de garçons, le pouvoir ne
devait-il pas revenir au fils de la sœur survivante, plutôt qu’à un
cousin ?
    Le comte de Hainaut, tout acquis à
Valois jusque-là, réfléchissait, voyant se dessiner soudain pour sa fille un
avenir inattendu.
    Le vieux connétable Gaucher, les
paupières plissées comme celles d’une tortue et la main en cornet autour de
l’oreille, demandait à son voisin Miles de Noyers :
    — Quoi ? Que dit-on ?
    Le tour trop compliqué du débat
l’irritait. Sur la question de la succession des femmes, il avait son opinion
invariable depuis douze ans. La loi des mâles, en vérité, c’était lui qui
l’avait proclamée en ralliant les pairs autour de sa formule fameuse :
« Les lis ne filent pas la laine ; et France est trop noble royaume
pour être à femelle remis. »
    Orleton poursuivait, cherchant à se
rendre émouvant. Il invitait les pairs à considérer une occasion, que les
siècles peut-être n’offriraient plus jamais, d’unir les deux royaumes sous le
même sceptre. Car là était sa pensée profonde. Finis les litiges incessants,
les hommages mal définis, et les guerres d’Aquitaine dont pâtissaient les deux
nations ; résolue l’inutile rivalité de commerce qui créait les problèmes
de Flandre. Un seul et même peuple, des deux côtés de la mer. La noblesse
anglaise
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