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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague
Autoren: Halter,Marek
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rester avec toi. Ou tu peux aller te reposer
et je veillerai à mon tour.
    Sous sa cape, je la sentis frissonner. En cet instant-là,
j’aurai donné beaucoup, peut-être même toutes les heures de bonheur que j’avais
passées à scruter la splendeur du ciel, pour pouvoir la prendre dans mes bras
et l’apaiser.
    Avec précipitation, comme si je craignais que bientôt elle
ne veuille plus m’écouter, je dis encore :
    — Ton grand-père ne pense pas que tu sois folle. Bien
au contraire. Ni moi non plus. Nous savons que tu es juste. Fais-moi
confiance : je vais le dire et le montrer. Dès que Kippour sera passé,
j’irai dans les synagogues et sur les places pour réclamer que l’on accueille
Golem et qu’on le respecte comme on le doit. Bientôt, c’en sera fini des
humiliations qu’il endure.
    Pour la première fois, elle tourna son visage vers moi.
    Un visage tendre et sans rancune. Son beau visage. Pourtant,
je sus dans la seconde que ce que j’avais brisé ne serait pas réparable. Elle
dit doucement :
    — Il est trop tard, David.
     

5
    « Il est trop tard, David. »
    Comme ces mots résonnent terriblement dans ma mémoire !
    Et comme mon orgueil, ou la vanité de mon cœur, m’égara
lorsqu’Éva les prononça. Dans ce trop tard , je ne sus entendre que les
merveilles perdues à cause de mon aveuglement. Sa confiance, son affection.
    Peut-être bien son amour, si je puis oser ces mots.
    Oui, je songeai à elle, à moi, à nous. Certainement pas à
Golem.
    Je ne me croyais plus aveugle, mais je l’étais encore.
    Durant le restant de la journée, la nuit et encore tout le
lendemain, qui était le jour de Kippour, j’ai prié, jeûné et espéré le pardon
du Tout-Puissant. Je l’ai fait avec une ferveur, avec un abandon que je croyais
à la hauteur de mes fautes.
    Un pardon qui ne vint pas. Ni pour moi, ni pour nous, les
habitants orgueilleux de la ville juive de Prague.
    L’aube se levait à peine sur ce onzième jour du mois de
Tichri quand des hurlements d’épouvante vrillèrent le silence. En un instant je
fus debout. Je m’habillai à la hâte. Les cris redoublèrent. Pleins de terreur
et de douleurs, relancés par un vacarme sourd, des grondements qui ébranlaient
les murs de la maison.
    Je descendis quatre à quatre les escaliers. Mon logeur
Joseph et les voisins étaient déjà dans la rue. Nous nous regardâmes, hébétés.
Serrant les lèvres et plissant les paupières, comme si cela pouvait nous
protéger de cette horreur contenue dans les cris qui ne cessaient pas et
paraissaient emplir les rues.
    Quelqu’un arriva, hurlant :
    — Au port ! C’est au nouveau port, c’est
Golem !
    Mon cœur s’arrêta. Il me fallut quelques secondes pour
courir derrière les autres.
    Oh, l’épouvante que l’on découvrit !
    La clôture de l’enclos de Golem était démontée pour moitié.
Ses rondins, jetés jusque dans les maisons voisines, avaient éventré les
façades, écroulant les murs, laissant voir des pièces d’où pendaient des lits
et des cuisines.
    Dessous, dans les décombres, ce n’étaient que gémissements
et appels à l’aide de ceux qui avaient été ensevelis. Dans les jardins, c’était
pis encore.
    On s’affairait autour des rondins arrachés par Golem. Par
place, ils s’empilaient dans un désordre monstrueux d’où surgissaient, ici et
là, des membres et des visages d’enfants. Des garçons d’à peine dix ans. Une
douzaine que Golem, dans sa colère, avait écrasée avant qu’ils puissent se
mettre hors d’atteinte.
    Impuissants à soulever les masses de bois qui enfonçaient
les corps brisés de leurs fils dans la boue, les mères et les pères hurlaient
autant que si on les dépeçait.
    Pourtant le désastre n’était pas encore achevé.
    Au milieu du fleuve, Golem, avec des gestes déments,
déterrait les piliers du pont en construction. Il les rejetait dans l’eau avec
une force terrible. Tournoyant comme des brindilles, ils allaient fracasser les
barges et les barques, massacrant les mariniers et les ouvriers qui ne
plongeaient pas à temps. Ceux qui ne savaient pas nager étaient engloutis par
les flots. Nul n’osait leur porter secours de peur d’être pris dans la démence
de Golem.
    Quelqu’un hurla :
    — Le MaHaRaL ! Allez chercher le MaHaRaL, pour
l’amour de Dieu !
    Je courus en tous sens pour retrouver Eva. Il n’y avait que
du sang, des corps hachés, de la mort et de la douleur. Je ne la vis nulle
part. Moi
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