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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague
Autoren: Halter,Marek
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l’existence de Golem parce qu’il animait le savoir et
la pureté de notre Maître. Golem désormais était sa volonté et l’arme qui maintenait
notre paix. Un pouvoir, une puissance, mais rien qui pût contenir un sentiment
humain. Cela ne se pouvait pas !
    Éva se trompait. La mort de Bachrach, le dibbouq, la fuite
d’Isaïe à Safed, toutes ces épreuves l’avaient bouleversée et l’égaraient loin
du vrai et du juste !…
    Ah, plus les heures passaient, plus mon trouble augmentait.
Je retournai chercher un peu de paix et de sagesse dans le klaus. Espérant, en
vérité, que le MaHaRaL m’accorderait un regard ou une parole qui me tirerait du
chaos qui m’emportait.
    J’y restai jusqu’au soir tard. J’y étudiai sans trouver de
réponses aux questions qui me tourmentaient. Notre Maître restait invisible,
enfermé dans sa pièce et sans apparaître parmi nous pour les prières.
    Alors que la nuit était bien noire, je demeurai seul à lire
encore sous la flamme ténue d’une chandelle. Comme cela arrive parfois alors
que quantité de phrases ont déjà couru sous les yeux, quelques mots me
frappèrent soudain aussi bien qu’une paume sur la joue.
    Ils appartenaient au court rouleau que le très pieux et très
sage rabbi Abraham ibn Ezra, béni soit son nom, avait rédigé en Espagne quatre
siècles plus tôt. Ils demandaient :
    « Comment peux-tu espérer que je sois parfait… alors
que je suis plein de contradictions ? »
    Ce n’étaient que des mots simples. Mais pour le premier
instant de ce jour, je ressentis un peu de paix. Je murmurai cette phrase à
haute voix plusieurs fois. Elle exprimait si bien ma peine, mon regret et ma
vérité.
    Elle disait ce que j’aurais dû dire à Eva et que peut-être
elle m’avait confié, sans que je veuille l’écouter.
    Un frôlement, dans l’ombre de la salle derrière moi, me fit
sursauter.
    La barbe et la longue chevelure du MaHaRaL entrèrent dans la
lumière chiche de ma chandelle. Du regard et de l’index, il m’adressa un signe
que nous, ses disciples, nous connaissions bien et qui signifiait : Pas de
salut, pas de question.
    Il me tendit une bande de papier épais sur laquelle je
reconnus son écriture. Je lus avidement.
    « Dans le livre d’Énoch il est dit : L’archange
Métatron, archange de la Présence et le plus haut placé sur la sainte échelle
des Sefirot, invita rabbi Ismaël : Viens, je te montrerai où sont les
esprits des Justes qui ont été créés et sont devenus. Viens et vois. Et ensuite
sers-toi de tes yeux pour connaître l’esprit des Justes qui n’ont pas encore
été créés. »
    Je relevai le front. Le MaHaRaL maintenait son regard sur
moi.
    Ses lèvres ne s’ouvrirent pas. Ce n’était pas utile.
    De sous ses paupières à demi abaissées, la clarté de ses
pupilles me parlait mieux que ses mots « Ne laisse pas ma petite-fille
croire que tu es aveugle. »
     
    Dès l’aube du lendemain, veille de Kippour, et selon la
tradition, les grandes tables de fête furent recouvertes des plus belles
nappes, des plats les plus riches et des chandelles les plus brillantes. Avant
le jeûne du Pardon on devait manger lichmah , en splendeur.
    Comme tu peux l’imaginer, lecteur, je n’avais aucune faim ni
aucun désir d’agape. Partout où s’étalaient le faste et l’opulence, je songeais
que nous les devions à Golem. À cette paix et à cette sécurité venues avec lui.
Pourtant, nulle part il n’y avait de place pour l’accueillir, le fêter et le
remercier.
    Après les longues prières du matin et avant le milieu du
jour, trop impatient pour attendre l’heure du repas, je poussai la porte de la
maison d’Isaac dans l’espoir d’y trouver Eva. Isaac me vit dès que j’entrai. Il
m’ouvrit ses bras.
    Notre embrassade eut la chaleur enthousiaste des
retrouvailles. Cela faisait des mois que nous ne nous étions vus. L’âge
commençait à peser lourdement sur son visage et sur ses hanches.
    Dès que nous nous écartâmes, il secoua la tête, un
demi-sourire sur ses lèvres bien rondes, et murmura :
    — Aïe, aïe, David ! Kippour !
    Nulle nécessité d’en dire davantage. Je savais où allait sa
pensée. Vingt-six années s’étaient écoulées depuis ce jour où, avec Jacob, ils
m’avaient confié le secret de leur promesse. Vingt-six années durant lesquelles
tant et tant s’était accompli. Et d’une manière toute différente de ce qu’ils
espéraient.
    En guise de réponse, je
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