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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague
Autoren: Halter,Marek
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lendemain de la mort de Golem, on fut surpris de
découvrir que sa boue, dans le grenier, demeurait souple et humide autant que
lorsque nous l’avions transportée depuis la rive de la Vltava. Autant que
lorsque l’alouette s’était envolée et que sa forme s’était dissoute.
    De semaine en semaine, elle demeura pareillement humide et
souple. Comme vivante.
    Cela ne changea pas au cours des mois suivants. Ni avec le
printemps et la chaleur, ni avec l’été et le vent brûlant qui soufflait souvent
sur Prague.
    On vit Eva venir presque chaque jour dans le grenier de la
synagogue et y demeurer en prière, la main posée sur cette boue molle. Elle ne
fut pas la seule : chacun se fit un devoir, chaque veille du shabbat, de
monter poser la paume sur le prodige de cette boue.
    À l’automne suivant, deux petits mois avant Kippour, Eva
annonça à Isaac et au MaHaRaL qu’elle avait décidé de se mettre en route pour
Safed afin de rejoindre Isaïe. En leur demandant leur bénédiction pour le long
voyage, elle dit :
    — Je demeure sa promise, s’il veut de moi. Au moins, il
doit savoir pourquoi je me suis détournée de lui.
    Elle prit la route avec le premier convoi de commerce qui
partait pour le sud.
    Deux semaines plus tard, lorsqu’on monta à l’échelle du
grenier où reposait la boue de Golem, lorsqu’on posa la main sur la boue de
Golem, c’est une terre dure et sèche comme du granit que nos doigts
rencontrèrent. Un pic n’aurait pu la briser. Son humidité et sa souplesse si
douce s’étaient envolées en une seule nuit.
    Je me souviens d’avoir hurlé. J’avais déjà compris ce que
des courriers nous confirmèrent un mois plus tard.
    La veille de ce jour où la boue de Golem s’était muée en
pierre, le convoi avec lequel voyageait Éva était entré dans Salonique. Durant
la nuit, une attaque des Turcs avait ravagé la ville. Ils avaient tranché
toutes les gorges qu’ils trouvaient sous leurs sabres.
    On m’assura qu’Eva n’avait pas eu le temps de se réveiller
et que cette mort, si on la comparait à d’autres, était une forme de
miséricorde.
    Aujourd’hui encore, lecteur, si tu vas dans cette vieille
synagogue de Prague, demande à visiter ces combles. On te montrera cette masse
où tout se brise et qui fut le Golem.
     

Épilogue
    Mon vieil ami, le rabbin Adin Steinsaltz, l’un des plus
subtils commentateurs du Talmud, me dit :
    — En vérité, ce n’est pas tout à fait sur ces mots que
David Gans achève son histoire de Golem. Tenez, regardez ce feuillet. Nous
l’avons trouvé dans l’un des exemplaires d’origine du seul livre publié par
David de son vivant, le Zemah David.
    Nous étions à Jérusalem. J’étais venu rendre à Steinsaltz le
gros cahier sur lequel une main anonyme avait recopié l’histoire contée par
David Gans et que l’on vient de lire.
    Steinsaltz me tendit deux feuilles de papier rugueux aux
franges élimées. Un de ces beaux papiers faits avec du tissu comme on le
fabriquait au XVII e siècle. Il
avait été plié et replié, le temps y avait laissé des marques bien visibles,
mais rien n’avait effacé ces lignes formées d’une écriture petite et serrée. De
larges espaces séparaient les paragraphes, comme s’ils avaient été transcrits
en des moments différents.
     
    «  La boue de Golem devenue granit demeure dans le
temps et moi aussi. Moi qui ne suis pas granit mais rien d’autre qu’un souffle
qui va et vient. Je passe ici, je passe là. On m’entend ou on ne m’entend pas.
Je raconte. Je suis la mémoire qui raconte… »
    « J’ai vu notre Maître mourir. Depuis que Golem
était devenu boue de pierre, son regard ne se posait plus sur nous. Depuis
qu’Eva ne réchauffait plus ses jours, il devenait glacé comme les étoiles qui
n’ont plus de feu. Il ne lui restait que les mots. Écrire , écrire.
L’immensité de ce qu’il a écrit, on le trouve dans Beer Hagola, Le Puits de
l’Exil, dans Or Hadash, La Nouvelle Lumière, dans Netivot Olam,
Les Sentiers éternels. Il écrivait, écrivait, enfermé dans sa pièce. Notre
Maître, le MaHaRaL, devenu tout entier un homme de mots, comme sa créature, le
Golem, était de boue vivante. »
     
    « Il n’avait plus qu’un souffle. Il me voulut près
de son lit. Il tend la main pour que j’approche la mienne. Ses doigts si longs
frôlent ma paume. Le même geste que celui qu’il avait eu avec Golem. Il dit “Surveille les mots qui passent ta bouche, David.
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