Le kabbaliste de Prague

Hitler voulait absolument
une arme définitive. Il espérait une bombe atomique, mais von Braun lanternait.
Heydrich a suggéré l’« Opération Golem » : c’est-à-dire créer
des Golems, tout comme le MaHaRaL. Des êtres doués d’une puissance
indestructible avec lesquels ils pourraient anéantir les autres armées. À cette
époque, les nazis avaient déjà transformé le ghetto de Prague en « musée
d’une race dégénérée », comme ils l’appelaient. Tous les objets religieux
ou culturels juifs qu’ils volaient en Europe y étaient envoyés. Heydrich créa
une cellule spéciale chargée de trouver le secret du MaHaRaL dans le fouillis
qui s’entassait là. Les nazis sont même allés jusqu’à retirer de Buchenwald le
dernier rabbin de la vieille synagogue pour le torturer à mort en espérant
qu’il connaisse la « formule magique » de la naissance de Golem. Bien
d’autres sont morts à cause de cette histoire de formule magique. Pourtant,
cette histoire de Golem les impressionnait tant qu’ils n’osèrent finalement
rien détruire à Prague. Ni le cimetière, ni la statue du MaHaRaL, ni les
synagogues. Pas même un graffiti. Et nous, après eux, nous avons également
évité ces saloperies…
    Sacha se tut en regardant son verre avec une grimace. Les
autres ne parlaient plus, pas très à l’aise. Quand Sacha releva la tête, ses yeux
durs de colonel qui en avait beaucoup trop vu étaient humides. Je ne fus pas
certain que c’était seulement l’effet de la vodka.
    — Les nazis n’étaient pas seulement des êtres
malfaisants. C’étaient des crétins, bien incapables de comprendre la moindre ligne
du Zohar. Pas vrai ?
    J’approuvai. Le vieux colonel me lança un drôle de sourire,
ses dents en or à peine visibles.
    — Mais, vous, pourquoi n’écrivez-vous pas cette
histoire de Golem ? Que les gens d’aujourd’hui en aient un peu une
idée ?
    Quelques heures plus tard, en rejoignant mon hôtel sous la
neige, mes veines bien trop imbibées de vodka, je ne pus m’empêcher de
ressasser la phrase de David Gans, ou du MaHaRaL, je ne savais plus :
Tendez vos paumes et choisissez votre destin, mais ne comptez pas que le Saint
Nom vous épargne le devoir de l’accomplir.
     
    FIN
     

Glossaire simplifié [3]
    Amoraïm  : araméen. Désigne les docteurs
de la Loi dont l’œuvre se situe entre la compilation de la Mishna (env. 200 de notre ère) et la rédaction définitive des Talmud de
Jérusalem et de Babylone ( V e siècle).
    Bimah  : hébreu, « tribune ».
Estrade surélevée comportant une table et un pupitre où l’on a coutume de
procéder à la lecture de la Loi et à d’autres rites effectués dans le cadre de
la synagogue.
    Chaharit  : hébreu, de
« chahar », « aube ». Office du matin, le plus long des
trois offices quotidiens, pendant lequel le port du châle de prière (tallit) et des phylactères ( tefillin) est obligatoire, à quelques exceptions
près.
    Chema Israël  : hébreu, « Écoute,
Israël ». Premiers mots du verset où s’exprime et s’affirme la profession
de foi fondamentale du judaïsme : « Écoute, Israël, le Seigneur est
notre Dieu, le Seigneur est Un » (Dt 6,4).
    Dibbouq  : hébreu. Désigne
l’« attachement » d’un esprit malin, ou d’une mauvaise personne
défunte, au corps d’un vivant. Le dibbouq représente la cohabitation d’un être
humain avec une entité étrangère qui s’exprime par sa bouche et suscite
détresse et trouble spirituel.
    Genizah  : hébreu, « dépôt ».
Lieu où sont entreposés les manuscrits et livres saints endommagés, sorte de
cimetière de livres. Selon la loi juive, ces écrits, même illisibles, ne
peuvent être détruits. Leurs restes doivent être traités avec respect.
    Ghetto  : italien, quartier vénitien de la
« fonderie pour les bombardes de la Sérénissime » qui servit pour la
première fois de résidence aux Juifs, selon un décret promulgué
en 1516 : « Les Juifs habiteront tous regroupés dans l’ensemble
des maisons situé au Ghetto, près de San Girolamo ; et, afin qu’il ne
circulent pas toute la nuit, nous décrétons que du côté du vieux Ghetto où se
trouve un petit pont, et pareillement de l’autre côté du pont, seront mises en
place deux portes, lesquelles seront ouvertes à l’aube et fermées à minuit par
quatre gardiens engagés à cet effet et appointés par les Juifs eux-mêmes au
prix que notre collège estimera