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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes
Autoren: Anne-Laure Morata
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avant que vous ne l'approchiez, vous gardant en réserve pour finir de le faire adhérer à la théorie du complot. Ses espions ont rapporté votre visite chez elle et je l'ai persuadé qu'elle avait concocté un poison puissant qu'elle vous avait remis et qui lui était destiné, prétendant que vous projetiez de le provoquer en duel con una hoja envenenada 9 .
    – Vous n'avez relâché Nolwenn que pour me faire croire à la culpabilité de Condé en vous arrangeant pour qu'elle entende le Crochu mentionner le nom du prince, comprit alors François, amer.
    – Je comptais bien que vous alliez le provoquer, ce que vous auriez immédiatement fait si mon cousin ne vous en avait empêché à mon grand regret. L'intervention de Mizgin chez le comte de Lagne avait pour but de raviver les tensions avec votre épouse révélées par une domestique de l'hôtel Bessières. J'espérais qu'ainsi, poussé à bout, vous désobéiriez à Arnaud. Là, j'avoue que vous avez dépassé mes espérances lorsque vous avez foncé à l'hôtel Condé début juillet en menaçant le prince. Lui qui avait refusé de vous faire assassiner, préférant vous affronter en duel malgré la drogue censée imprégner votre rapière, a vraiment cru que vous aviez reçu l'ordre de l'empoisonner par la reine elle-même. Grâce à cela il s'est décidé à quitter Paris et à traiter sérieusement avec nous, enfin convaincu par ma version des faits qu'il n'avait plus d'autre alternative que de prendre les armes contre votre roi. Un éxito 10  !
    – Vous n'avez en réalité jamais quitté la capitale…
    – Non, en effet. Je pars ce soir retrouver Condé à Montrond pour vérifier que Pierre Lénet a bien reçu mission de rejoindre Madrid pour le représenter à la signature du traité dont je vous ai parlé et l'escorter.
    – À vous voir si calme et content de vous, il est évident que vous n'éprouvez pas l'ombre d'unremords pour les victimes que vous laissez derrière vous.
    – C'est la guerre, François… Je sers mon suzerain et suis prêt à faire le nécessaire pour réussir ma mission, tout comme Arnaud.
    – N'hésitant pas à tuer un enfant innocent comme le petit Enzo…
    – S'il est au mauvais endroit au mauvais moment et qu'il peut m'identifier, oui, sans aucune hésitation. Les enjeux sont autrement plus importants que la vie d'un bohémien.
    La vieille domestique qui aidait le Crochu à s'asseoir à l'extrémité de la table faillit tomber sous son poids. François se tourna vers elle et crut lire sur son visage une émotion fugace qui disparut tellement vite qu'il pensa avoir rêvé. Javier surprit son regard et éclata de rire.
    – Cette femme est sourde et muette, Chevalier, ne vous faites pas d'illusions… Maintenant que j'ai répondu à vos questions, j'aimerais savoir comment vous avez su où nous trouver et que je serai ici ce soir pour régler ce que je devais à Crochu avant mon départ.
    François fit très attention à sa réponse. Aux premières paroles échangées, il avait compris que ce n'était pas San Juan qui l'avait attiré dans sa cachette. Quelqu'un d'autre était au courant et pourrait peut-être avertir Arnaud. Il devait éviter coûte que coûte que le mystérieux adolescent mentionné par le messager soit éliminé par sa faute.
    – Un des informateurs du patron des Trois Portes a rapporté avoir aperçu votre complice dans ce hameau, mentit-il avec aplomb. Je suis venu vérifier.
    – Solo  ? Vous êtes vraiment victime de votre tempérament sanguin et impatient, conclut doctement l'Espagnol. Assez parlé, je vous laisse le temps de recommander votre âme au Tout-Puissant. Et il saisit son pistolet, prêt à s'en servir.
    La posture du Crochu au bout de la table suspendit son geste. Tout tassé et recroquevillé, il ne bougeait plus, tandis qu'un mince filet de sang coulait de ses lèvres. Vivement San Juan le redressa en le soulevant par les cheveux, dégageant son thorax : on lui avait planté un couteau dans le cœur. Interloqué, l'Ibérique regarda alternativement la matrone effrayée qui mit ses mains devant sa bouche puis François. Il fit des yeux le tour de la pièce, incrédule. La vieille en profita pour se positionner derrière François et il sentit qu'elle coupait ses liens. Elle n'eut pas le temps de finir que San Juan, ayant perçu son manège, l'envoya d'un soufflet percuter le mur pour la relever sans ménagement.
    – Qui es-tu ?
    La femme lui cracha au visage puis lui mordit
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