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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes
Autoren: Anne-Laure Morata
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pour votre hospitalité et l'affection que vous m'avez prodiguée.
    Adieu mon amie ,
    Violette
    P.S. Je vous demande de conserver mon « jeu de dupes » s'il m'arrivait malheur.

    Ninon éprouva à la lecture de ce courrier un mélange d'énervement et d'appréhension. Dans quel guêpier l'intrépide s'était-elle donc fourrée ? Violette, d'un tempérament exalté, croyait pouvoir manipuler autrui à sa guise, aveuglée par la revanche qu'elle voulait prendre sur le destin. Toutes deux avaient un passé assez semblable avec des pères jouisseurs de tous les plaisirs de l'existence, compromis dans de sales affaires, obligés de fuir en abandonnant leur famille. Ninon avait accepté son sort et la vie de courtisane qu'elle avait dû mener à la mort de sa mère alors qu'elle n'était qu'une adolescente. Violette, issue de l'aristocratie désargentée, considérait au contraire qu'on l'avait lésée des privilèges de sa caste et en voulait tout particulièrement aux grands de ce monde de ne pas lui avoir donné la place qu'elle revendiquait. La vengeance était devenue son credo, l'égarant dans de troubles complots.
    Ninon soupira en se dirigeant vers les appartements jouxtant son boudoir qu'avait occupé son amie et où elle avait laissé un petit nombre de toilettes et une malle en osier. En l'ouvrant, Ninon découvrit un joli coffret en acajou. Elle se souvint àce moment-là de Violette le caressant en annonçant que son « jeu de dupes » allait lui donner le rang qu'elle méritait. Un soir, ayant un peu trop abusé du vin de Salernes, elle avait confié comment elle avait fait construire cette cassette par un artisan vénitien célèbre pour la fabrication de mécanismes d'ouvertures complexes connus de leurs seuls propriétaires qui, s'ils étaient forcés, entraînait la diffusion dans la boîte d'un acide qui désagrégeait tout ce qu'elle pouvait renfermer. Elle lui avait même proposé une démonstration. Ninon croyait se rappeler l'avoir vue placer les aiguilles sur la petite clepsydre qui ornait l'ouvrage et en conditionnait l'ouverture. Elle hésita. Devait-elle la déverrouiller ou tout donner le lendemain à Augustin ? Elle était persuadée de se remémorer l'heure à indiquer. Mais si elle se trompait… Elle pouvait tout aussi bien détruire le contenu du coffret.
    La tentation d'essayer fut la plus forte et, sans réfléchir plus avant, elle positionna les aiguilles en espérant ne pas avoir commis d'erreur. Elle pâlit en constatant que toute l'eau colorée de la minuscule horloge disparaissait à l'intérieur du mécanisme. Avait-elle tout gâché ? Elle perçut alors un bruit sec et le couvercle se souleva d'un centimètre. Avec précaution elle ouvrit le bel objet, admirant le travail d'orfèvre, avant de regarder les courriers qu'il contenait : il s'agissait de lettres cryptées. Dix symboles étaient gravés sur le panneau du fond. Certainement la clé du code, se dit-elle. Subitement elle pâlit en relevant un idéogramme qui revenait inlassablement dans plusieurs missives car elle se souvenait de ce signe pour l'avoir observé mimé parViolette en parlant d'un puissant, s'en moquant ouvertement.
    – Mon Dieu, qu'as-tu fait, pauvrette ? soupira la courtisane devant le miroir de sa coiffeuse.
    Elle sonna sa chambrière pour l'aider à brosser ses longs cheveux puis la renvoya rapidement afin de réfléchir. Ninon savait que toucher à certaines personnes était impardonnable. Imaginer les faire chanter pour obtenir leur faveur était illusoire. Ces courriers étaient extrêmement dangereux et elle ne souhaitait en aucun cas être mêlée à cela. Demain elle ferait tout remettre au domestique de Violette et s'attacherait à oublier rapidement ce qu'elle avait entrevu. Elle contempla la cassette puis elle se décida à la poser sur la cheminée et se coucha dans son lit aux boiseries sculptées. Elle mit longtemps à trouver le sommeil, inquiète du sort de son imprudente amie, fixant le plafond où s'ébattaient des amours coquins qui d'habitude la faisaient sourire.
    Au lever du jour, elle avait recouvré sa bonhomie coutumière. Comme chaque matin, on dressa des tréteaux pour installer sa table de petit déjeuner face à la fenêtre donnant sur le jardin intérieur et la belle pelouse où elle aimait, à la belle saison, réunir ses amis poètes pour déclamer des vers. Avec appétit, Ninon mordit dans une brioche après avoir demandé à sa servante d'emmener le coffret à
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