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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes
Autoren: Anne-Laure Morata
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haut des dernières marches de l'escalier principal.
    – Ah, mon frère, ce n'est pas un rêve, vous êtes vraiment là… Comme je suis heureuse !
    La jeune femme, exaltée, écartelée entre rires et pleurs, s'accrochait à lui comme une noyée.
    – Calmez-vous, je suis avec vous, tout va bien.
    François, inquiet devant l'état quasi hystérique de son aînée, la pressait contre sa poitrine, tentant del'apaiser. Peu à peu il y parvint. À ce moment-là, Henri de Rohan Montauban, leur père, apparut dans une chaise roulante poussée par un serviteur.
    – Louise, mon enfant, allez prendre du repos. Laissez-moi recevoir votre frère, émit le vieillard avec peine.
    En douceur, une chambrière entraîna sa maîtresse vers les étages, laissant les deux hommes s'installer dans la bibliothèque.
    – Je suis navré, mon cher fils, que vous soyez accueilli ainsi. Pardonnez le comportement de votre sœur, elle est très angoissée. Arnaud n'est pas rentré depuis deux jours et la pauvre petite vient de faire une fausse couche qui l'a beaucoup fragilisée.
    François s'assombrit. Il savait qu'avoir un enfant était le plus cher désir du couple. L'adversité n'épargnait décidément pas les membres de sa famille.
    – Je suis peiné d'apprendre cela… Et Malo, Père, comment va-t-il ?
    – De ce côté-là, tranquillisez-vous. C'est un garçon sérieux qui possède de grandes qualités, vous avez eu raison de nous le confier. Le directeur de son lycée militaire souhaite protéger ses élèves et, avec l'agitation actuelle, il n'autorise que de rares permissions le dimanche… Il est d'ailleurs très content de son intégration… Grâce au travail acharné mené sous la houlette de votre cher professeur Belfond, il a pu rattraper son retard en un temps record… Ses qualités en mathématiques… lui permettent un classement honorable. Il fera… une belle carrière d'officier, conclut le vieillard qui devait reprendre son souffle.
    – Voilà au moins une raison de se réjouir. De toute façon il est préférable qu'il ignore ce quim'amène, cela le perturberait trop, dit François en constatant avec inquiétude les efforts paternels pour respirer convenablement.
    Il était pourtant bien obligé d'informer son père des derniers événements. Henri comprit son hésitation.
    – François, je me doute à votre mine et à vos vêtements recouverts de boue que vous n'êtes pas porteur de bonnes nouvelles… sinon vous ne vous seriez pas présenté comme cela sans nous avoir fait prévenir… Que se passe-t-il ? demanda l'invalide en se redressant, d'un ton qui ne souffrait aucune dérobade.
    – Mont Menat a été mis à sac par des hommes en armes. Ils ont assassiné plusieurs personnes et ont enlevé Nolwenn. Je suis sur leur piste.
    – Nolwenn enlevée ! Stupéfait, Henri ne put réprimer le tremblement de ses mains en tentant de remonter la couverture qui recouvrait ses jambes. Que d'épreuves nous faudra-t-il encore affronter, mon Dieu… Savez-vous qui est derrière tout cela ?
    – Non, j'espérais qu'Arnaud m'aiderait à le découvrir.
    – Mon gendre est fort occupé depuis la fuite du cardinal. Sa cousine, Madame de Motteville, l'a fait mander au Palais-Royal. On craint pour la sécurité de la régente et de ses enfants.
    – De nouveau Leurs Majestés se retrouvent seules contre tous, remarqua amèrement François.
    – Hélas oui, le duc d'Orléans veut à tout prix empêcher leur fuite à Saint-Germain. Notre reine ne peut même plus compter sur la fidélité des premiers officiers du roi. C'est pour cela qu'elle a demandé à Arnaud, par l'intermédiaire de saconfidente, d'assurer sa protection et celle de ses enfants.
    François connaissait la première femme de chambre d'Anne d'Autriche et l'amour immodéré qu'elle portait à sa maîtresse. Deux années auparavant, il avait aidé Leurs Altesses à échapper aux frondeurs mais, cette fois-ci, les choses s'annonçaient plus difficiles.
    – Dans ces conditions, je passe rapidement une tenue convenable et je pars lui prêter main-forte. Nous nous mettrons ensuite à la recherche de Nolwenn, dit François tout en formulant une prière muette afin que ce ne soit pas trop tard.
    – Je suis désolé, mon garçon… Agissez pour le mieux… Je suggère que nous gardions pour nous ce que vous venez de me révéler. Louise n'est pas en état de l'apprendre.
    François acquiesça. Sa frustration de ne pouvoir voler au secours de sa bien-aimée
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