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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes
Autoren: Anne-Laure Morata
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l'office pour qu'il soit remis à Augustin, le valet de Mademoiselle de Goyon.
    – De quel objet parle donc Madame ? demanda sa femme de chambre.
    – Celui qui est sur la cheminée, là-bas, dit-elle en se retournant.
    Elle effraya la domestique en se levant brutalement pour poser sa main sur le marbre froid : la cassette en bois précieux avait disparu. Malgré une fouille minutieuse du logis, elle demeura introuvable.
    1 Ce sera la jeune Françoise d'Aubigné, future Madame de Maintenon.

3
    9 février 1651
    François ne décolérait pas. Les intempéries et les coupe-jarrets qui sévissaient sur les routes du royaume les avaient obligés, Gervais et lui, à voyager de nuit pour assurer leur sécurité, ralentissant leur allure au point de mettre une semaine pour atteindre Paris. Et là, touchant enfin au but de leur expédition, ils avaient trouvé la ville bouclée, totalement inaccessible. La situation du cardinal Mazarin, devenue critique, l'avait contraint à fuir le Palais-Royal, déguisé en cavalier, dans la nuit du six février, pour aller se réfugier au château de Saint-Germain protégé par le comte d'Harcourt et sa troupe. Immédiatement alerté, Gaston d'Orléans avait ordonné la fermeture des portes de la capitale dont tous les accès étaient surveillés par ses hommes secondés par les milices bourgeoises.
    François se retrouvait ainsi bloqué depuis trois jours, contraint d'attendre un laissez-passer qu'on avait refusé de lui délivrer jusqu'alors. Ce soir, c'était décidé, il tenterait sa chance quoi qu'il advienne. Depuis l'enlèvement de Nolwenn, il était dans un état de tension permanent, ne connaissant plus le repos, pensant à elle perpétuellement, setorturant en vain pour essayer de trouver un début d'explication à son rapt et à la mise à sac de Mont Menat par des tueurs sans foi ni loi. Il avait cru pouvoir rattraper les mercenaires et les prendre par surprise en libérant Nolwenn pendant leur sommeil mais ceux-ci avançaient bride abattue. Sa seule certitude était que cette troupe d'assassins avait rejoint la capitale juste avant le blocus, commettant toutes sortes d'exactions sur son passage, ce qui avait facilité leur traque sans guère le rassurer au vu des témoignages des malheureux qui avaient croisé leur route. Aucun d'eux n'avait aperçu Nolwenn, néanmoins plusieurs avaient parlé d'une charrette recouverte d'une bâche et un gamin avait juré avoir entendu des gémissements étouffés provenir de l'intérieur. Il ne s'en était fallu que de quelques heures pour que ces crapules passent les portes des remparts avant leur fermeture. Nerveux comme un fauve en cage, François ne supportait plus l'inaction et le sentiment d'impuissance qui le broyait.
    – Monsieur, Monsieur !
    Le gentilhomme sortit de la tente où il avait été parqué.
    – Qu'y a-t-il, Gervais ?
    – C'est bon, maître, on peut passer. Ils ouvrent les accès et on m'a dit qu'on ferait mieux d'y aller maintenant pour éviter la cohue.
    Ni une ni deux, François fila récupérer leurs montures tandis que son valet remplissait leurs sacoches. Un quart d'heure plus tard ils pénétraient dans Paris.
    L'insécurité des chemins et la pauvreté des campagnes traversées avaient fait craindre au seigneur de Mont Menat de retrouver une capitale exsangue :ce fut hélas le cas. Les rues sales et malodorantes dévoilaient une détresse et une misère crasse accrues par l'arrivée de réfugiés fuyant les provinces de l'Est abandonnées aux appétits espagnols. La population, lasse des privations, devenait violente et incontrôlable. Partout la loi du plus fort régnait en maîtresse des lieux, nul n'étant plus à l'abri d'une agression souvent mortelle.
    François sentait l'inquiétude le gagner en remontant la vieille rue du Temple avant de tourner rue des Francs-Bourgeois dans le quartier où se situait l'hôtel Bessières occupé par sa sœur, Louise, épouse du baron Arnaud de Saldagne, son meilleur ami 1 . Il avait hâte de prendre des nouvelles des siens, espérant de tout cœur ne pas devoir faire face à d'autres épreuves. Parvenu devant les grilles en fer forgé aux piques dorées à l'or fin, il fut rassuré par l'apparente tranquillité des lieux. Le portier ouvrit immédiatement et s'occupa des chevaux pendant qu'un second domestique courait avertir la maîtresse des lieux.
    Le pied à peine posé dans le vestibule, François dut cueillir Louise au vol qui s'était élancée vers lui du
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