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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie
Autoren: Marie Bourassa
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ou l’autre des rues Saint-Denis et Saint-Martin. Là, s’il s’arrêtait et fermait un peu les yeux, il se voyait continuer tout droit vers Compostelle, sans s’arrêter jamais, vers les pays lointains où poussaient orangers et oliviers.
    Mais il rouvrait bien vite les yeux et secouait la tête. Non. Ce rêve-là n’était pas raisonnable. Il n’avait aucune réelle envie de quitter la maison. De plus, il y avait beaucoup mieux que cela.
    Chaque fois qu’il en avait l’occasion, il faisait une pause à la Fontaine du Ponceau, située entre l’ancienne porte Saint-Denis et la nouvelle, pour se rafraîchir et se reposer un brin. À cet endroit précis, lorsque le roi Philippe ou un souverain étranger faisait son entrée dans Paris, l’on pouvait assister à des spectacles extraordinaires. Louis n’en avait encore jamais vu, mais il se plaisait à les imaginer, sans savoir que l’idée qu’il s’en faisait était loin de correspondre à leur faste réel. Par contre, même en l’absence de tout spectacle, il se passait souvent quelque chose d’intéressant à cette fontaine, ne fût-ce que des jeunes gens qui batifolaient dans l’eau courante. Il les y eût volontiers rejoints s’il n’avait pas eu tant de travail. C’était toujours la raison qu’il se donnait pour ne pas y aller. Mais, en son for intérieur, il savait bien que, s’il s’était hasardé trop près des baigneurs, ils l’auraient tout de suite remarqué et repoussé.
    Louis passait outre et trouvait à se changer les idées assez vite, car au même endroit commençait la voie triomphale qui, par la porte du Châtelet et le Grand-Pont, aboutissait à Notre-Dame. Ce trajet-là avait beaucoup plus de prix à ses yeux que la route du Midi ou que cet autre chemin qui traversait le pont aux Meuniers {7} , contournait l’immense basilique pour franchir le second bras du fleuve par le Petit-Pont et, de là, prenait à droite le long des berges de la Seine ourlées de quais dominés par le transept sud, pour mener jusqu’à Boulogne.
    Mais, pour Louis, ces destinations perdaient tout intérêt une fois parvenu à l’île de la Cité qui, insatiable, s’abreuvait d’un flot constant de promeneurs et de charrettes. Car Notre-Dame était son refuge favori.
    Vue de l’est depuis l’abside qui émergeait de la Seine, la structure de la basilique ressemblait à la proue d’un navire amarré à la pointe de l’île de la Cité par sa foison d’arcs-boutants. Mais c’était du côté occidental, sous les feux du couchant, que Notre-Dame déployait ses plus beaux atours. Sur sa façade à trois portails, un trio de galeries superposées reliait les deux tours imposantes en déroulant leur dentelle tissée à même la pierre.
    Le parvis {8} , auquel on accédait par onze marches, était bordé au sud par l’Hôtel-Dieu qui se dressait le long de la Seine en prolongement du palais épiscopal. Près de là, des escaliers menaient au jardin de l’hôpital. Au nord, à l’entrée du cloître Notre-Dame, trônait le baptistère de Saint-Jean-le-Rond. Le parvis était continuellement encombré d’échoppes autour desquelles gravitaient dans une presse constante badauds, chalands, malades, pèlerins, mendiants et érudits qui y affluaient chaque jour, que ce fût pour y prier, pour y faire commerce de primeurs ou pour y débattre de quelque notion abstraite glanée dans le champ fertile de l’Université.
    L’édifice d’une hauteur vertigineuse qui se dressait devant Louis {9} n’était, comme toutes les cathédrales, rien de moins qu’une immense enluminure en trois dimensions. Malgré la crasse que deux siècles avaient accumulée sur les tympans, les colonnettes et les innombrables statues, on pouvait encore aisément distinguer les fastes d’une prime jeunesse parée d’or et rehaussée de mille couleurs qui, réparties selon une symbolique savante, en transfiguraient l’architecture. Trois portails encadrés de contreforts découpaient la façade occidentale. En s’avançant vers celui du centre, Louis leva les yeux : le contrefort creusé d’une niche profonde était peuplé d’une foule colorée qui, dans sa divine immobilité, égalait celle qui s’agitait sur le parvis. Aux pieds de sculptures peintes ou dorées, alignées à même la pierre, il put voir deux rangées superposées de médaillons. Celle du haut représentait les Vertus, auxquelles s’opposaient, en bas, les Vices. Mais ce qui attirait l’attention
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