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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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de Raquel, poussa un cri de terreur quand sa mule fit de même. Le visage blême, elle ne songeait qu’à s’accrocher de toutes ses forces à l’encolure de la bête. Raquel la rattrapa sans difficulté et le petit groupe chevaucha à cette allure pendant plusieurs lieues. Le tonnerre roulait dans le lointain et des éclairs blancs déchiraient par instants le ciel.
    La route gravissait le flanc de la montagne, une pluie continue se mit à tomber tandis que les mules ralentissaient pour ne pas déraper dans la boue. Le garde se retourna vers ses compagnons et leur fit signe de le suivre vers un bouquet d’arbres planté au bord du chemin.
    — Je crois qu’on devrait laisser les bêtes se reposer un peu, dit-il. Il y a là-bas un cours d’eau où elles pourront se désaltérer.
    — Ma jument pourrait marcher des heures encore, lança Yusuf.
    — J’en suis certain, jeune maître, répondit le garde en désignant de la tête les deux femmes.
    Puis il s’approcha du médecin aveugle, avec qui il engagea la conversation.
     
    Le jeune garde ne les laissa pas se reposer assez longtemps pour qu’ils s’engourdissent ou prennent froid.
    — Le pire est encore à venir, dit-il d’une voix tendue, visiblement peu habitué à donner des ordres à qui que ce soit, et encore moins à des gens d’une qualité supérieure à la sienne.
    — Dans ce cas, partons sur-le-champ, répliqua Isaac.
    Ils avançaient au petit trot. Le vent fouettait leur visage et la pluie ne cessait d’augmenter.
    — On vient de derrière les montagnes ! cria le garde pour se faire entendre malgré le vent. Ça peut durer encore un moment !
    Les chevaux et les mules progressaient maintenant plus lentement. Les trombes d’eau avaient transformé la route en un fleuve de boue ; le ru qui dévalait la pente de la montagne avait triplé ou quadruplé de volume.
    Le garde eut la prudence de laisser son cheval aller à sa guise ; les autres bêtes le suivirent. Partout, la route était inondée. Derrière les nuages, le soleil se couchait ; sa lueur, déjà blafarde, s’éteignit, dès lors il fut difficile de voir devant soi. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient rencontré personne. Même les estafettes et les personnes chargées d’affaires urgentes avaient fait halte quelque part pour attendre la fin de l’orage.
    Raquel se demandait s’ils ne risquaient pas d’y laisser la vie et s’il convenait de mettre en jeu l’existence de cinq personnes pour sauver l’évêque dont l’état de santé était certainement assez grave. Elle aurait aimé parler à son père, mais chevaucher côte à côte dans de telles conditions relevait de la folie. Il valait mieux laisser la mule choisir son itinéraire plutôt que de la forcer.
     
    Il faisait nuit quand ils trouvèrent la route de Cruilles, mais la pluie s’était calmée peu à peu, le vent aussi. Bien qu’il y eût moins d’eau, on voyait que la surface du sol était toujours humide. Raquel repoussa sa capuche, heureuse de l’accalmie, et chercha autour d’elle des traces d’habitations. Elle ne vit rien. Le garde, quant à lui, semblait avoir des yeux de chat ou de hibou.
    — C’est juste là-bas, dit-il, la main tendue.
    Raquel regarda dans la direction qu’il lui indiquait et discerna une colline solitaire au milieu de la plaine. La route qu’ils empruntaient ne cessait de tourner comme pour trouver le meilleur accès au sommet. L’eau ruisselait toujours sur le chemin, mais les bêtes semblaient se repérer, trébuchant parfois à cause de l’obscurité.
    — Nous ferions mieux de marcher, dit Isaac.
    — Elles graviront plus aisément cette colline que nous ne le ferions, de plus elles ne sont pas trop chargées, répliqua le garde sans ajouter que l’on perdrait du temps à terminer le trajet à pied.
     
    Le château se dressait au faîte de la colline, robuste donjon se détachant à peine sur le ciel nocturne. Les maisons se regroupaient autour de lui en forme de fer à cheval : ainsi les solides murailles de la petite bourgade protégeaient à la fois le château et les citadins. Le garde appela quand ils approchèrent de la première porte, laquelle s’ouvrit presque aussitôt. Des torches éclairaient la rue étroite bordée de maisons qui débouchait sur une place. Celle-ci était inondée de lumière et bruissait de conversations.
    Raquel se préparait à mettre pied à terre quand des mains robustes l’arrachèrent à sa mule. Avec les
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