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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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Est-ce qu’il y a du bouillon ?
    — Je vais en faire préparer une marmite que l’on gardera sur le feu. Et aussi demander qu’on enveloppe des pierres dans un linge pour lui tenir les pieds au chaud.
    — C’est une bonne idée. Il doit se sentir le mieux possible. Raquel, y a-t-il une bouilloire sur la plaque ?
    — Oui, papa.
    — Alors mets-y à tremper une bonne quantité de plantes et d’écorces de saule. Quand cette décoction aura refroidi, il faudra tenter de le faire boire. Où est Yusuf ?
    — Je vais m’en occuper, papa.
    — Oui, ma chérie, je le sais bien, mais il devrait être ici. Il lui faut apprendre les gestes mais la patience aussi.
    Tandis que Raquel versait de l’eau sur le contenu d’un sachet de plantes médicinales et mettait la préparation de côté afin qu’elle refroidît, Isaac ouvrit un petit coffret contenant des remèdes préparés à l’avance.
    — Tu as terminé ?
    — Oui, papa.
    — Mets dans une coupe une cuillerée de vin et une autre d’eau.
    Elle regarda autour d’elle. Le feu et une bougie étaient les seules sources de lumière. Elle distingua tout de même sur une table un plateau chargé de deux petites fioles et de deux coupes. Elle les sentit. Du vin et de l’eau. Elle en versa une minuscule quantité et s’approcha du lit.
    — Tenez, papa.
    — Mets une goutte, pas plus, ordonna son père en lui tendant un flacon trouvé dans le coffret.
    Raquel laissa donc tomber une goutte dans l’eau coupée de vin puis elle mélangea. Elle prit un morceau de tissu propre, le trempa dans le liquide et le passa sur les lèvres du malade. Sa langue le toucha et il frissonna. Elle trempa à nouveau l’étoffe et la pressa pour en faire couler quelques gouttes dans la bouche de l’évêque. Il frissonna une fois encore. Après avoir répété à trois ou quatre reprises cette opération, elle approcha le rebord de la coupe de ses lèvres. Il s’efforça d’avaler. Il recracha une partie du liquide, qu’elle essuya, puis elle refit inlassablement le même geste jusqu’à ce que la coupe fût vide.
    — J’ignore quelle quantité il a effectivement avalée, papa.
    — Même s’il n’a pas tout bu, l’essence va insensibiliser la gorge. Il pourra alors prendre la décoction, puis le bouillon. Il recevra la même dose, exactement la même, quand les cloches auront une nouvelle fois sonné. Te sens-tu bien ? Es-tu au sec ?
    — Non, papa, je suis trempée et j’ai froid.
    — Va te changer, bois quelque chose de chaud et reviens avec Leah. Alors je me mettrai le plus à l’aise possible. On ne peut le laisser seul tant que les fièvres le tiennent. Hâte-toi.
     
    Quand Raquel revint dans la chambre, traînant derrière elle une Leah peu enthousiaste, elle vit que Jordi avait déposé la marmite de bouillon sur le feu ainsi que les pierres chaudes destinées aux pieds de Son Excellence. Une collation composée de soupe chaude, de pain et de poulet froid attendait les gardes-malades. Le père Bernat avait fait allumer un bon feu dans la pièce voisine : c’est là que se reposeraient ceux qui ne veillaient pas l’évêque.
    Une fois qu’il fut assuré que tout allait pour le mieux, un des jeunes serviteurs conduisit Isaac dans la pièce voisine. Yusuf s’y trouvait déjà, en train de se réchauffer les mains devant le feu.
    — Pardonnez-moi, seigneur, dit-il, mais j’ignorais où vous étiez.
    — Et où étais-tu ? répliqua Isaac d’un ton cinglant. On ne t’a pas amené ici pour que tu profites des amusements de la ville mais pour que tu m’aides à apaiser les maux de l’évêque.
    — Je suis allé voir les bêtes, seigneur. Mon cheval et les mules de Son Excellence. Pardonnez-moi. Je veillerai toute la nuit s’il le faut.
    — Méfie-toi, mon garçon, car un jour je pourrais bien te prendre au mot. Bon. As-tu pris soin des montures ?
    — Oui, seigneur.
    — Dans ce cas, passons des habits secs et retournons voir notre patient.

IV
Oh, mort, que est de molts mals medicina
e lo remei contra mala fortuna Ô mort, toi qui es la médecine de tant de mauxet le remède contre la mauvaise fortune
    Le craquement des volets fut suivi d’un profond silence. À la table d’Antoni, chacun attendait avec angoisse que quelque chose survienne. Et puis, tel un hurlement annonçant le Jugement dernier, les cloches se mirent à sonner, des cloches bruyantes et désordonnées qui étouffaient les bruits de la vie
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