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Le Grand Coeur

Le Grand Coeur

Titel: Le Grand Coeur
Autoren: Jean-Christophe Rufin
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trop propice à
un attentat. Nous poussâmes plus loin et entrâmes en
Toscane. Chaque jour, nous découvrions de nouveaux
paysages de collines vertes et de bois, de villages forts et
partout, comme de petits javelots lancés par les dieux
sur le tapis soyeux des cultures, des milliers de cyprès
noirs.
    Des hommes laissés à dessein derrière nous par Bonaventure nous rejoignirent à bride abattue ; ils confirmaient qu’un groupe de reîtres entrait dans les villages
après nous et s’enquérait des conditions de notre passage. Nous avançâmes jusqu’à Florence. Là, je retrouvai Nicolo di Bonaccorso. Le jeune garçon était devenu
un homme fait. Sa barbe noire, sa voix grave et l’assurance que se donnent en Italie à la fois ceux qui ont
réussi dans les affaires et ceux qui veulent faire oublierqu’ils n’y sont pas parvenus le rendaient méconnaissable. Deux choses, par bonheur, n’avaient pas changé :
son énergie et sa fidélité. L’atelier de soierie qu’il dirigeait avait pris beaucoup d’ampleur. Il employait de
nombreux ouvriers et envoyait ses tissus dans toute
l’Europe. Pour autant, comme Guillaume, Jean et tous
les autres, il continuait de me considérer comme son
associé et, malgré ma disgrâce en France, il n’avait
jamais cessé de proclamer que j’étais le propriétaire et
le créateur de cet atelier.
    Il me proposa de me fixer à Florence. Scrupuleusement, chaque année depuis mon emprisonnement, il
déposait mes gains dans une banque et il me remit un
compte précis de mes avoirs. Ils me suffisaient largement pour acheter une maison dans la ville et y vivre
plusieurs années. Nicolo m’ouvrit sa demeure, mais je
préférai lui laisser sa liberté et garder la mienne, en
m’installant à l’auberge.
    Les deux premiers jours à Florence, je m’abandonnai
à la volupté de me sentir arrivé à bon port. Je m’imaginais assez volontiers passer le reste de mes jours dans
cette ville douce, avec ses couchers de soleil brumeux
sur la rivière, ses collines et cette forêt de palais qui
croissait sans cesse. Malheureusement, dès le troisième
jour, les alarmes commencèrent. Si, jusque-là, mes
poursuivants étaient restés relativement distants et discrets, à Florence, la surveillance malveillante dont j’étais
l’objet devint omniprésente et très visible. Mon premier
soin en arrivant avait été de donner congé à mon
escorte. Dans cette ville raffinée où chacun, même les
plus riches, s’efforce de se montrer le plus simplement
au milieu de tous, il eût été ridicule de me promenerentouré de Bonaventure et de ses soudards. Je cheminai
donc dans les rues avec Étienne pour seule compagnie.
Ce fut lui qui remarqua le premier deux hommes qui
nous suivaient. À l’angle d’une place, deux autres, à
l’évidence, nous épiaient aussi. Un peu plus loin, sous le
porche d’une église, je remarquai moi-même une bande
de mendiants qui ne paraissaient guère authentiques
et qui nous suivirent longtemps des yeux. L’un d’eux,
en boitant bas, nous fila jusqu’à l’entrée de la fabrique
de soie. J’envoyai Étienne quérir Bonaventure. Je lui
demandai, sans se mettre près de moi, de se tenir à distance quand nous retournerions à l’auberge et d’observer. Ses constatations furent accablantes : la ville était
infestée d’espions à mes trousses. Jamais en Provence ni
sur notre chemin, je n’avais été l’objet d’une si nombreuse surveillance. Nicolo proposa de saisir les autorités afin de faire assurer ma sécurité. Je n’y étais pas
favorable tant que nous ne connaissions pas l’origine
de la menace. S’il s’agissait d’envoyés du roi de France,
l’affaire deviendrait politique et il n’était pas dans
notre intérêt d’avertir officiellement la ville de ma présence... Bonaventure fit une proposition heureuse :
compte tenu du nombre de personnes commises à ma
surveillance, il serait sans doute possible d’en repérer
une et de s’en saisir. En l’interrogeant, nous en apprendrions un peu plus sur l’affaire. Ce jour-là, je fis à dessein de longues promenades sans but dans la ville. Bonaventure, à distance, fit un compte de mes poursuivants.
Il vit qu’ils se répartissaient en quatre groupes et que
l’un d’entre eux se composait de deux enfants auxquels
il serait assez facile de faire peur.
    Je rentrai à l’auberge et les hommes de mon escorte,dispersés, se mirent à poursuivre mes poursuivants. Ils
s’emparèrent
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