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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam
Autoren: Axel Aylwen
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de petits bateaux qui convergeaient déjà vers les grandes barques
dorées. Ces dernières devaient transporter le coips du Barcalon, ses proches
parents et les plus hauts mandarins, et constituer ainsi le cœur du cortège.
    En tête de la grande procession fluviale il y avait
plusieurs barques portant des offrandes à distribuer aux moines qui étaient
venus de si loin, ainsi qu'aux pauvres et aux nécessiteux. Suivaient les
parents, avec des troupes de danseurs masqués chargés de distraire le défunt.
Ensuite venaient les grands prêtres et les mandarins de haut rang à bord de
barques dorées dont la proue était en forme de tête de dragon et de garuda,
l'oiseau mythique. Juste derrière eux se trouvait la barque du Barcalon dont le
corps était exposé sur une estrade pyramidale surmontée d'un toit doré. Les
gens du peuple, dans des milliers de petites embarcations éclairées par des
chandelles qui recouvraient le large fleuve d'une rive à l'autre, constituaient
la fin du cortège.
    La procession, où figuraient Bumabv et White, descendit
le cours du fleuve jusqu'au moment où elle arriva devant le vaste temple
illuminé par des milliers de chandelles devant les murs du Grand Palais. Là,
les embarcations gagnèrent le rivage et le peuple mit pied à terre. On plaça le
coips au centre du bûcher funéraire somptueusement décoré, dans la cour de la
grande pagode. Les danseurs commencèrent à défiler tout autour, tandis que les
prêtres continuaient à chanter.
    Sa Majesté le roi, observant la procession depuis les
fenêtres de son palais, mit alors le feu au bûcher au moyen d'un cordon
imprégné de soufre qui était tendu du palais jusqu'au temple, au bord du
fleuve. Le bûcher, uniquement composé de bois parfumé, s'enflamma. Des fusées
partirent, on se mit à jouer de la musique, les danseurs commencèrent à
tournoyer de manière frénétique alors que les chants de prêtres allaient
crescendo. Cela ne cessa que quand le corps eut été entièrement consumé par les
flammes.
    Les cendres furent recueillies avec le plus grand respect
par les moines de rang supérieur et, à minuit, on les jeta dans le fleuve à
l'endroit où le courant était le plus rapide.
    La cérémonie s'était déroulée en grande pompe et ce fut
un moment tout à la fois d'affliction et d'allégresse, car un grand homme était
passé dans le cycle qui devait le mener à sa prochaine existence.
    Le matin qui suivit les funérailles du Barcalon, les
courtisans assemblés attendaient avec impatience l'arrivée du roi. Ce n'était
pas une convocation ordinaire. Alors que la santé du Barcalon se détériorait,
Sa Majesté avait fait rappeler dans la capitale tous les gouverneurs de
province et maintenant les soixante principaux mandarins du royaume, ainsi que
Richard Burnaby, étaient là, prosternés, en rangées silencieuses, à attendre
les ordres de leur souverain. La plupart en avaient conclu que Sa Majesté
nommerait aujourd'hui le nouveau Barcalon et rares étaient ceux qui doutaient
que cet honneur allait revenir au général Petraja, le courtisan le plus
accompli.
    Le général en personne, plus que jamais tiré à quatre
épingles, avec ses cheveux gris soigneusement taillés en brosse, sa boîte à
bétel incrustée de diamants auprès de lui, était prosterné à la place
d'honneur, la plus proche du balcon où allait apparaître Sa Majesté. Dès qu'il
serait nommé Barcalon, songeait-il, il entamerait sa campagne pour discréditer
les farangs et les évincer peu à peu du pouvoir. On avait déjà assené aux
Maures un coup fatal. Il risqua discrètement un coup d'œil autour de lui et son
regard s'arrêta sur la seule place vide dans l'assemblée. Au dernier rang, là
où étaient prosternés les mandarins de première classe récemment nommés, la
place réservée à Vichaiyen était vide. Le farang se remettait encore de ses
blessures de guerre. Toi, Vichaiyen, se dit le général, tu seras le premier à
partir. Tu as peut-être échappé aux kriss des Macassars et au courroux de mon
fils adoptif, mais à moi tu n'échapperas pas. Ton sort est scellé dès
aujourd'hui. Quel sacrilège, songea Petraja, de laisser pénétrer des farangs
dans ces lieux sacrés ! Comme cela était avilissant pour le sanctuaire de
l'antique empire de Siam !
    Trompettes et cymbales vinrent interrompre le cours de
ses pensées et, en l'absence de Barcalon, ce fut le roi en personne qui
s'adressa directement à l'assistance.
    «
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