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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam
Autoren: Axel Aylwen
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quitter leur demeure dès que l'on m'aura installé dans mes
fonctions de gouverneur. »
    C'en était fini du pouvoir des Maures, se dit Phaulkon.
Mais il restait les Hollandais et leur menace était la plus sérieuse. Dès le
retour de Sunida, il en saurait davantage sur le traité avec la France.
    « Alors, Richard, demanda Phaulkon, êtes-vous résigné à
travailler pour le Siam ? » Les hésitations de l'Anglais, il le savait, avaient
été largement apaisées par sa nomination au poste de gouverneur. C'était un
décret exceptionnel, pris uniquement pour qu'un farang puisse devenir
gouverneur sans être mandarin.
    Burnaby baissa la tête. « Il semble que le destin en ait
voulu ainsi, Constant. Il n'y a pas grand-chose qui m'attende à Madras.
    — Sauf une cour martiale, fit sèchement remarquer White.
Mais, à propos de destin, Constant, j'ai assisté ce matin à des faits étranges
en revenant des exécutions. Quelques hommes de YHubert, que commandait
le capitaine Udall, sont venus lui rendre un dernier hommage au cimetière où
les Jésuites avaient enterré les victimes chrétiennes. Les officiers ont été
stupéfaits de trouver la tombe de leur capitaine vide : on avait exhumé son
corps ! Ils ont fini par le retrouver, complètement nu et adossé à un arbre.
Ils ont pris le corps et l'ont de nouveau enterré, en couvrant cette fois la
sépulture d'un amas de lourdes pierres. Ce matin, en passant devant le
cimetière, j'y ai trouvé les mêmes officiers. Ils étaient revenus pour trouver
le corps une fois de plus adossé au même arbre. Horrifiés, nous avons soulevé
ensemble le cadavre pour le porter jusqu'au fleuve puis nous l'avons lesté de
pierres et laissé couler. »
    Phaulkon écoutait d'un air intéressé. « J'ai déjà observé
cette pratique. Sans doute des nécromanciens siamois, troublés par tous ces
violents événements, cherchaient-ils à lire l'avenir. Le capitaine Udall, que
    Dieu ait son âme, a été directement mêlé à ces événements
et les nécromanciens — mi-sorciers, mi-spirites — ont dû utiliser son corps
comme moyen de communiquer avec l'au-delà et d'interroger l'avenir. Les plus
célèbres d'entre eux vendent leurs prédictions pour une fortune. Mais c'est
intéressant qu'ils se soient servi du corps d'un farang mort. Cela doit
indiquer que, selon eux, les farangs vont à l'avenir jouer un plus grand rôle.
» Phaulkon s'interrompit. Ses yeux commençaient à se fermer.
    « Messieurs, irez-vous ce soir aux funérailles du
Barcalon ? demanda-t-il d'une voix faible.
    — Assurément, répondit Burnaby. En qualité de futurs
dignitaires du royaume, c'est notre devoir.
    — Je ne manquerais ça pour rien au monde, ajouta
White. Voilà plus de trois jours que retentissent de grands tambours de cuivre
et des gens au crâne rasé arrivent de tous les coins du pays. Il y a eu des
feux d'artifice ces deux dernières nuits et toute la population est vêtue de
blanc. C'est le spectacle le plus grandiose auquel j'aie jamais assisté.
    — Parle-t-on d'un nouveau Barcalon? demanda
anxieusement Phaulkon.
    — Je n'ai rien entendu à ce sujet, répondit Burnaby.
    — C'est bien », répliqua Phaulkon. Sa tête pencha de
côté et ses yeux se fermèrent. Les autres échangèrent un bref regard et
sortirent en silence.
    Durant trois jours et trois nuits on purifia et on
embauma la dépouille du Barcalon. On coula du mercure dans la bouche, les
oreilles et les yeux du cadavre et on enduisit le corps d'onguents précieux
pour le protéger de la décomposition. Des moines en robe safran psalmodiaient
jour et nuit, leurs chants retentissant de plus en plus fort chaque nuit qui
passait. Des roulements de tambours, des fracas de cymbales, des sonneries de
trompettes. Des danseurs masqués tournaient autour du coips. Des milliers de
moines et de nonnes en robes blanches, le crâne rasé, étaient accourus des
bourgs et des villages voisins pour assister aux funérailles du Grand Barcalon.
    Pour l'honorer tout spécialement, on annonça que le
Seigneur de la Vie en personne allumerait le bûcher funéraire : cela assurerait
au défunt toute l'assistance royale dans l'au-delà.
    Au crépuscule du troisième jour, on plaça la dépouille
dans un cercueil de bois décoré sur lequel on avait drapé les plus beaux
vêtements du Barcalon. Toute la population d'Ayuthia, vêtue de panungs blancs,
la couleur du deuil, et le crâne rasé, se dirigea vers le fleuve pour rejoindre
la multitude
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