Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
pourraient gêner sa progression, et s’en débarrassa. En haut, Semacgus, la voix blanche d’angoisse, dispensait des conseils qui lui parvenaient déformés par l’écho. Il prit son souffle et jeta ses jambes en avant. Il se sentit glisser dans une matière grasse, perdit un instant la notion du temps et de l’espace, avant un douloureux retour au réel. Bloqué par sa carrure, il était coincé et ne descendait plus. Pendant de longues minutes, il s’étira comme un chat, haussant une épaule puis l’autre. La figure grotesque d’un contorsionniste observé à la dernière foire Saint-Germain lui revint en mémoire. Il parvint enfin à forcer le passage et reprit sa progression. Il se sentit aspiré par le vide. Presque aussitôt, il tomba sur un amoncellement de bûches dans le foyer d’une immense cheminée. La pyramide s’écroula avec fracas sous son poids, et sa tête porta sur la plaque en bronze aux armes de France. Il fut surpris de ne s’être point assommé. Il se releva avec précaution et vérifia l’état de ses articulations ; à part quelques écorchures, il était indemne. Il se considéra dans l’immense trumeau surmonté d’un décor floral en stuc : un inconnu, noirci et sali par la suie, une figure d’épouvantail à la culotte déchirée, lui apparut. Il traversa une pièce pas encore meublée ni décorée, qui tenait plus de la caserne que du palais. Il ouvrit une porte et se retrouva à hauteur des salons de l’hôtel, là où les invités à la fête s’étaient pressés vers les balcons. Une foule désordonnée s’agitait comme une ruche bouleversée. Les uns s’agglutinaient aux croisées en se bousculant pour observer la place, les autres péroraient. Nicolas éprouva le sentiment d’un spectacle absurde, celui d’une comédie ou d’un ballet détraqué dans lequel des automates répétaient inlassablement les mêmes mimiques. Nul ne lui prêtait attention, alors que son torse souillé aurait dû attirer les regards.
    Il retrouva l’escalier qui menait vers les combles. En le gravissant, il entendit le timbre grave de la voix de Semacgus mêlé à celui, plus aigu, de M. de La Briche. Ils descendaient tous deux si vite qu’ils tombèrent dans les bras de Nicolas. La catastrophe sur la place prenant de l’ampleur, l’introducteur des ambassadeurs avait voulu quérir Nicolas, mais la serrure de la porte se trouvait obstruée par un objet mystérieux en métal doré, une sorte de fuseau qu’il remit au commissaire. La clé, elle, gisait à terre. D’évidence, un mauvais plaisant s’était amusé aux dépens des spectateurs de la terrasse. Il veillerait à trouver le coupable, sans doute un de ces laquais insolents ou encore un de ces garçons bleus qui, en dépit de leur jeunesse, se croyaient tout permis à force d’approcher le trône.
    — Monsieur le commissaire, ajouta-t-il, il faut m’aider à remettre un peu d’ordre ici. La presse est effroyable et nous avons des blessés à ne savoir qu’en faire. On en amène sans cesse. Les gardes de la Ville ne sont pas là. Leur chef, le major Langlumé, a disparu dès le début de la catastrophe pour donner des ordres à ses gens. Il n’a pas réapparu depuis. De plus, on me dit de divers côtés que des brigands mêlés à la foule attaquent les honnêtes citoyens.
    Il baissa la voix.
    — Beaucoup de nos invités ont mis l’épée à la main pour se faire jour dans la cohue ; cela a donné lieu à une tuerie effroyable à laquelle se sont ajoutées les victimes de voitures jetées au galop pour forcer le passage. M. le comte d’Argental, envoyé de Parme, a eu l’épaule démise et M. l’abbé de Raze, ministre du prince évêque de Bâle, a été renversé et se trouve horriblement froissé.
    — M. de Sartine est-il informé de ce qui se passe ? demanda Nicolas.
    — Je lui ai dépêché un messager. J’espère que le lieutenant de police est désormais au fait de la gravité de la situation.
    Deux hommes entrèrent, portant une femme sans connaissance, en grand falbalas, dont l’une des jambes pendait selon un angle inhabituel. Son visage ensanglanté n’avait plus aspect humain, tant il était aplati. Semacgus se précipita, mais, après un court examen, se releva en secouant la tête en signe de dénégation. D’autres corps arrivaient, tout aussi pantelants. Pendant de longs moments, ils aidèrent à l’accueil des blessés avec les pauvres moyens du bord. Nicolas attendait le retour
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher