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Le dernier vol du faucon

Le dernier vol du faucon

Titel: Le dernier vol du faucon
Autoren: Axel Aylwen
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de l'eau lustrale et entonnèrent un chant sur la fugacité de toutes choses terrestres. Puis, au son d'un petit orchestre de flûtes, de tambours et de cloches, le corps fut enveloppé d'un tissu blanc et couché dans un cercueil sur lequel on disposa les vêtements du mort avant de le couvrir de fleurs.
    Conscient du fait que le rituel, d'ordinaire étalé sur trois jours, avait été condensé en un seul pour profiter de sa présence inattendue, Phaulkon observait, fasciné, le déroulement de cette cérémonie très ancienne en songeant aux étranges pouvoirs de la devineresse qui avait prévu cette tragédie. Il pensa aussi à ses propres ennemis qui n'attendaient que sa mort, ces mandarins qui l'adulaient en public mais qui complotaient derrière son dos et se rendaient en secret au monastère de Louvo pour conférer avec leur chef, le général Petraja.
    Normalement, le corps aurait dû rester au moins deux jours dans son cercueil mais, cette fois, des parents de la victime le prirent sur leurs épaules pour lui faire faire une dernière fois le tour de sa demeure. En ressortant, les porteurs accélérèrent le pas pour accomplir trois nouvelles circonvolutions autour de la maison. Il s'agissait, par cette manœuvre, de plonger l'esprit du mort dans la confusion afin qu'il ne soit plus en mesure de retrouver son chemin et ne revienne pas hanter les vivants. Conduite par les moines, la procession se dirigea alors vers le wat - le temple du village tout proche. Là, le corps fut placé sur un grand bûcher cerné de décorations représentant les héros des anciennes épopées - hautes silhouettes découpées dans des papiers de couleurs vives.
    L'orchestre se mit à jouer et les moines reprirent leurs chants tandis que des danseurs masqués tournoyaient autour du bûcher et que des pétards zébraient l'obscurité sereine de la nuit. Torse nu ou vêtus de blanc, les villageois se prosternèrent jusqu'à terre lorsque le Grand Barcalon s'avança, une torche à la main. Le bûcher s'enflamma en quelques secondes, crachant des gerbes d'étincelles vers le ciel. Le rythme des chants, des danses et des pétarades s'accéléra et devint frénétique jusqu'à ce que le corps fût entièrement consumé. Quand les braises jetèrent leurs dernières lueurs, la famille s'avança pour récupérer les cendres du mort et ramener l'urne funéraire chez eux.
    La fête avait été vraiment réussie et le village pouvait se montrer fier de son kamnan. Les bébés tortues, les anguilles à l'ail, les œufs de crocodiles, les poissons fraîchement péchés dans le fleuve, les sauterelles, tout avait été cuisiné à la perfection. Phaulkon escalada l'échelle conduisant à sa hutte tandis que le kamnan et ses assistants attendaient en dessous, prosternés.
    La vieille devineresse l'attendait, patiemment accroupie devant la porte. Lorsqu'elle leva les yeux vers lui, une lune d'un vif éclat émergea d'un nuage, éclairant un visage sillonné de rides aussi fines qu'une toile d'araignée mais aux traits réguliers. Elle devait avoir été jolie dans sa jeunesse, pensa Phaulkon. Une tignasse de cheveux blancs coupés court à la mode paysanne luisait sous la lueur blafarde, formant un contraste saisissant avec la peau brune, aussi polie que du bois de teck. Somkit demeura inclinée, sans bouger, attendant qu'il lui parle. Dans la nuit vibrant de l'incessant croassement des grenouilles, de vagues odeurs d'épices flottaient jusqu'à eux, ultimes relents du banquet.
    Usant de la formule de politesse qui convenait à une femme de son âge, il lui adressa la parole avec douceur: «Je suis honoré, petite mère, que tu aies pris la peine de venir me rendre visite. Car j'ai appris que tu préfères garder ton temps et tes talents pour toi-même. »
    La vieille sourit, exhibant une rangée de dents rou-gies par l'usage constant du bétel.
    «Puissant Seigneur, l'agitation des villes n'est pas faite pour moi car elle trouble mes pensées. Je ne recherche pas non plus les richesses et c'est dans la solitude que mes misérables dons trouvent leur meilleure expression. »
    Il s'appuya contre les vantaux de la porte pour l'examiner de plus près. Instinctivement, il se sentait attiré par elle.
    «Relève-toi, mère. Ici, à l'abri des regards, nul besoin de nous encombrer d'un fastidieux protocole. J'ai donné des ordres afin que personne ne nous dérange. Viens, entrons. »
    Il repoussa les vantaux et pénétra dans la pièce en lui faisant
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